lundi 18 août 2008

Violences impunies contre les femmes


Violences impunies contre les femmes

Les violences contre les femmes font l'objet de deux rapports d'Amnesty International rendus publics le 6 mars 2001 à Paris et aux Etats Unis

Le premier, intitulé "Torture : ces femmes que l'on détruit", publié par la section française d'Amnesty International, indique qu'une femme sur cinq dans le monde est victime de la torture au quotidien et que la torture "est enracinée dans une culture qui, partout, refuse aux femmes l'égalité des droits avec les hommes et tente de légitimer la violence à leur égard." Le rapport est publié en anglais sous le titre : "Broken bodies, shattered minds. Torture and ill-treatment of women" [Corps brisés, volontés détruites].

Assez !S'appuyant sur des statistiques de la Banque mondiale, Amnesty souligne qu'une femme sur cinq est ou a été victime de violences physiques ou d'agressions sexuelles. En Inde, la proportion s'élève à 40 % et en Egypte, à 35 %. L'organisation, qui cite de nombreux témoignages de femmes et de jeunes filles battues et violées, ajoute que "les tortionnaires" sont "le plus souvent de membres de leur famille ou de leur communauté, ou encore de leurs employeurs."

La rapport de l'organisation de défense des droits de l'homme rappelle les horreurs qui frappent trop souvent la femme dans les sociétés humaines - depuis Zeynep Avci torturée à l'électricité, sodomisée et violée par des policiers en Turquie jusqu'aux nombreuses jeunes épouses brûlées ou défigurées à l'acide par leurs belles familles dans le sous-continent indien.

Amnesty demande aux Etats de "condamner publiquement les violences infligées aux femmes, à les interdire dans leur législation, à ouvrir une enquête sur toute allégation de violences, ainsi qu'à traduire en justice et à sanctionner leurs auteurs."

Le deuxième concerne "les mauvais traitements contre les femmes en prison" aux Etats-Unis. Il cite le cas de 1.000 femmes ayant subi des violences sexuelles en prison, par exemple dans le centre de détention de Turner Guilford Knight à Miami (Floride). L'organisation indique que, dans certains Etats, le détenu peut être tenu pénalement coupable de contacts sexuels avec un gardien. Seuls trois des cinquante Etats américains interdisent la fouille au corps par un gardien d'un autre sexe.

Amnesty juge "barbare" que l'on puisse enchaîner dans les prisons des Etats-Unis des femmes enceintes ou même - ce qui est autorisé dans 18 Etats - en train d'accoucher.


- Torture. ces femmes que l’on détruit


La torture des femmes et des fillettes se perpétue au quotidien dans l'ensemble du globe, indique Amnesty International dans son rapport "Ces femmes que l'on détruit". "Elle est enracinée dans une culture qui, partout, refuse aux femmes l'égalité des droits avec les hommes et tente de légitimer la violence à leur égard."

"Les tortionnaires sont parfois des agents de l'Etat ou des membres de groupes armés, mais il s'agit le plus souvent de membres de leur famille ou de leur communauté, ou encore de leurs employeurs. Pour un grand nombre de femmes, le foyer est un lieu de terreur."

Le calvaire de "K"

"K.", originaire de République démocratique du Congo, était mariée à un officier de l'armée qui la torturait régulièrement, bien souvent sous les yeux de ses enfants. Il la violait sans cesse et lui transmettait des maladies vénériennes. Il la menaçait fréquemment de l'abattre avec son pistolet. Un jour, elle a perdu une dent, a eu la mâchoire disloquée et a reçu dans l'oeil un coup de poing si violent qu'il a fallu lui faire des points de suture. Par la suite, elle a ressenti des douleurs continuelles au nez, à la nuque, à la tête, à la colonne vertébrale, à la hanche et au pied.

"K.", qui a fini par demander l'asile aux Etats-Unis, a affirmé qu'il aurait été vain de s'adresser à la police, à la fois en raison des liens unissant son mari avec la famille au pouvoir et parce que "les femmes ne sont rien au Congo". Un juge des services d'immigration américains a qualifié d'"atrocités" les violences qu'elles avait subies. Il a pourtant rejeté sa demande d'asile, décision qui a été confirmée en appel.

La violence au foyer : un phénomène universel

Le rapport d'Amnesty International s'inscrit dans le cadre de sa campagne mondiale contre la torture. L'organisation y exhorte les gouvernements à protéger les femmes et les fillettes contre les actes de torture. Ceux d'entre eux qui ne prennent aucune mesure pour les protéger contre la violence, qu'elle soit exercée au foyer ou au sein de la collectivité, ont leur part de responsabilité dans la torture et les autres formes de mauvais traitements qu'elles subissent.

"Aux termes du droit international, les Etats sont tenus d'interdire et de prévenir la torture, et ils doivent prendre des mesures contre ces violences en toute circonstance. Or, bien trop souvent, loin de fournir une protection suffisante aux femmes, les gouvernements se sont rendus complices de ces exactions, les ont dissimulées et cautionnées. Ils ont laissé la situation se perpétuer."

La violence au foyer est un phénomène universel. Les statistiques de la Banque mondiale montrent qu'au moins 20% des femmes dans le monde ont été victimes de violences physiques ou d'agressions sexuelles. Selon des rapports officiels publiés aux Etats-Unis, une femme est battue toutes les 15 secondes et 700.000 sont violées chaque année. En Inde, plus de 40% des femmes mariées ont affirmé être giflées, frappées à coups de pied ou agressées sexuellement pour divers motifs, par exemple parce que leur mari est mécontent de leur cuisine ou de la tenue du ménage, ou parce qu'il est jaloux. En Egypte, 35% des femmes ont déclaré que leur mari les battait.

Des "crimes d'honneur" signalés dans plusieurs pays arabes


Certains groupes de femmes, particulièrement exposés à la torture et aux mauvais traitements, font l'objet d'une discrimination aux multiples facettes. Ces femmes sont torturées non seulement en raison de leur sexe, mais aussi du fait de leur race, de leur origine ethnique, de leurs préférences sexuelles, de leur situation sociale, de leur classe et de leur âge.

Les employées de maison, ressortissantes étrangères pour la plupart, sont souvent maltraitées par leurs employeurs. Elles peuvent rarement obtenir réparation du fait de leur situation d'immigrées.

Nasiroh, une jeune indonésienne, est partie travailler en Arabie saoudite en 1993. Elle a déclaré à Amnesty qu'elle avait été agressée sexuellement par son employeur, puis accusée à tort de l'avoir tué. Elle affirme aussi avoir été torturée et soumise à des violences sexuelles par des policiers pendant sa détention au secret qui a duré deux ans. Aucun représentant de son ambassade n'est jamais venu la voir. Son procès a été tellement expéditif qu'elle ne savait même pas qu'elle avait été condamnée. Elle ne sait toujours pas quel est le "crime" qui lui a valu de passer cinq ans en prison.

Des "crimes d'honneur", qui vont jusqu'à la torture et l'homicide, sont signalés dans plusieurs pays, dont l'Irak, la Jordanie, le Pakistan et la Turquie. Des femmes et des fillettes de tout âge sont accusées d'avoir, de par leur comportement, déshonoré leur famille et leur communauté. Cette inconduite peut aller du simple bavardage avec un voisin de l'autre sexe aux relations sexuelles en dehors du mariage. La simple impression qu'une femme a porté atteinte à l'honneur de la famille peut conduire à la torture ou à d'autres mauvais traitements.

Des femmes achetées ou vendues

Les femmes qui ont été achetées et vendues à des fins de travail forcé, d'exploitation sexuelle ou de mariage forcé sont également exposées à la torture. Après la drogue et les armes, la traite des êtres humains constitue la troisième source de profit pour le crime organisé international. Les femmes qui en sont victimes sont particulièrement vulnérables aux violences physiques, notamment au viol, à l'enfermement illicite, à la confiscation de leurs papiers d'identité et à l'esclavage.

Dans les conflits armés, les femmes sont souvent victimes de torture en raison de leur rôle d'éducatrices et en tant que symboles de leur communauté. Ainsi, pendant le génocide perpétré au Rwanda en 1994 et le conflit en ex-Yougoslavie, des femmes tutsi, musulmanes, serbes, croates et kosovares ont été torturées parce qu'elles appartenaient à un groupe ethnique, national ou religieux particulier.

Les femmes qui ont été victimes de torture peuvent rencontrer de nombreux obstacles lorsqu'elles tentent d'obtenir réparation, notamment : l'indifférence de la police, l'absence de dispositions pertinentes dans la législation pénale, les partis pris sexistes dans le système judiciaire et les procédures pénales nuisant à l'équité des poursuites.

Lorsqu'elle avait quinze ans, Mme G. a été troquée par ses parents qui l'ont donnée comme épouse à un voisin afin qu'il les aide à rembourser un emprunt contracté pour leur ferme, au Salvador. Son mari avait l'habitude de la violer et de la battre, au point qu'elle a dû être hospitalisée. Mme G. s'est rendue deux fois à la police pour demander une protection, mais les policiers ont déclaré qu'il s'agissait d'un problème personnel. À l'âge de vingt ans, elle a pris la fuite en compagnie de ses deux enfants, mais ses parents et son mari l'ont retrouvée, et ce dernier l'a frappée à coups de bâton tandis que sa mère la tenait immobilisée. Mme G. s'est alors enfuie aux Etats-Unis, où elle a déposé une demande d'asile, mais elle a été informée qu'elle serait rapatriée dans son pays.

Dans certains pays, les femmes ne sont pas autorisées à comparaître en justice

Dans de nombreuses régions du monde, la police s'abstient régulièrement d'enquêter sur les cas de violence allégués par les femmes et les renvoient souvent à leur triste sort au lieu d'enregistrer leur plainte. Une étude menée en Thaïlande a montré que la police leur conseille généralement de se réconcilier avec leur partenaire et qu'elles doivent souvent acheter les policiers pour qu'ils engagent des poursuites. Seuls 27 pays sont dotés de dispositions législatives contre le viol conjugal.

Au Pakistan, les femmes victimes de viol qui ne parviennent pas à prouver qu'elles n'étaient pas consentantes peuvent être elles-mêmes accusées de zina (fornication), crime puni de mort par lapidation, ou de flagellation en public. Dans certains pays, les femmes ne sont pas autorisées à comparaître en justice : ce sont les hommes de leur famille qui sont censés représenter leurs intérêts. En Arabie saoudite, les femmes qui sortent de chez elles pour demander l'aide de la police risquent une arrestation pour s'être montrées en public sans être accompagnées par un parent de sexe masculin.

"Il est grand temps pour les gouvernements de reconnaître que la violence exercée au foyer et dans la communauté n'est pas une affaire privée, mais qu'elle met en jeu la responsabilité des Etats. Les normes internationales indiquent clairement que les Etats sont tenus de s'assurer que nul n'est soumis à la torture ou à d'autres mauvais traitements, quels que soient leur auteur ou leur contexte", indique Amnesty. "En ne tenant pas compte de cette obligation, ils partagent la responsabilité des souffrances qu'ils n'ont pas empêchées."

Sources : Amnesty International, Québec, mars 2001.

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