Mes chers amis,
Comme je le disais dans la lettre aux militants, faire la société plus humaine, c’est la tâche immense des socialistes et de la gauche. Le PS est au service de cet idéal. Qu’est ce qu’un parti s’il n’est pas déjà, au moins en partie, le symbole de cette société meilleure à laquelle aspirent les hommes et les femmes qui le composent et pour l’édification de laquelle ils se sont rassemblés ?
Nous devons imaginer un Parti meilleur que la société qu’il critique et contre laquelle il prétend lutter.
Le Parti socialiste doit être exemplaire, parce que plus enthousiaste, plus aventureux, plus audacieux, plus généreux, plus hospitalier, plus sincère et, en son sein, plus fraternel que la société qu’il prétend transformer.
Nous devons imaginer un Parti qui ne se contente pas de répéter à tout bout de champ que les citoyens doivent être respectés. Qui oserait ouvertement prétendre le contraire, même parmi ceux qui ne leur prêtent jamais une oreille et encore moins la parole.
Non, il ne suffit pas de dire cela, ni même de penser cela. Il faut exiger que les citoyens soient mis dans la confidence politique. Les citoyens doivent être capables de déchiffrer les différentes stratégies, d’en discerner les raisons obscures et inavouables et donc de les déjouer ou, au contraire, d’en apprécier le patient courage et donc de les soutenir.
Or quel meilleur outil pour accomplir cela qu’un parti minutieusement, scrupuleusement précis dans l’expression et intellectuellement incorruptible dans la recherche de la vérité la plus complexe ou la plus désagréable à découvrir. C’est le sens de notre projet, avec par exemple une université populaire permanente.
Les salariés, les catégories populaires et moyennes, sont les premières victimes de la crise et de la récession. Le quotidien sous la présidence de Nicolas Sarkozy s’avère bien pire que tout ce que l’on pouvait imaginer. Le gouvernement vole au secours des nantis de la finance après avoir ignorés les besoins des populations en détresse, et voilà qu’il se met insidieusement à élever l’âge limite de départ en retraite à 70 ans.
Alors qui défendra les salariés, les territoires ? Qui portera un nouveau modèle de croissance écologique, une nouvelle répartition des richesses ? Qui fera tout ça si le Parti socialiste ne le fait pas ?
Cela signifie que notre parti doit changer profondément, se renouveler et se rassembler. Nos propositions, nous les avons faites sans polémique avec toutes celles et ceux qui ont dirigé le parti jusqu’à présent, et qui ont fait de leur mieux, souvent dans des circonstances difficiles.
Si le PS doit changer, ce n’est pas par rapport à une critique du présent ou du passé, mais d’abord parce que le monde change. Parce que le libéralisme échoue. Parce que nous n’avons jamais eu autant besoin de politique. Et de politique à gauche.
Aujourd’hui plus que jamais la gauche a besoin du Parti socialiste et du socialisme pour lutter contre les désordres fous de la finance et de l’économie.
Je dis bien socialisme et pas social-démocratie. La social-démocratie a été opérationnelle à un moment donné de l’histoire. Mais comment ne pas constater qu’elle a été tenue en échec dans plusieurs pays européens ? Pourquoi ? Parce qu’il faut un Etat préventif qui change les rapports de force et non pas, comme la social démocratie, un Etat secouriste qui ne remet pas en cause le système.
J’entends vanter les vertus en 2008 du modèle social démocrate. Mais c’est un modèle périmé. C’est un nouveau modèle qu’il faut inventer. Ce nouveau modèle, c’est une idée neuve, c’est le socialisme du XXIe siècle. C’est prendre appui sur les leviers économique, social et environnemental et changer, dans la façon même de produire, le rapport entre le capital, le travail et la nature. Distribuer après coup ne suffit plus.
Un grand parti porteur d’espoir, démocratique et décentralisé.
Nous devons faire du Parti socialiste le grand parti démocratique, populaire et de mobilisation sociale dont la France a besoin. Un parti avec une équipe dirigeante qui incarne une espérance, un souffle, une envie de se mettre en mouvement.
Le Parti socialiste est la force indispensable, irremplaçable dont nous avons aujourd’hui besoin. Cultivé dans l’opposition, sous-estimé au pouvoir, le PS doit être au centre des préoccupations de notre congrès. Il ne doit pas être seulement l’instrument du pouvoir, mais un outil permanent de la démocratie y compris et surtout lorsque l’on est au pouvoir. Il doit être un laboratoire social, un lieu de confrontations et de convergences des idées, ouvert aux autres, à la société, à ses alliés.
Voilà pourquoi il est si important de développer en son sein la démocratie participative, pour associer en permanence les militants et les sympathisants. Cette démarche validera le sérieux de nos analyses et de nos propositions. Elle associera les citoyens qui seront demain les acteurs de nos programmes et les fait participer à leur destin. Elle contribuera à abolir la frontière entre les « sachants » et les obéissants. Elle confirmera le socialisme et la démocratie dans leur rôle historique d’émancipation, en restituant à chacun une part de pouvoir politique supplémentaire.
Grand parti porteur d’espoir, le PS ne peut pas prétendre détenir à lui seul la réponse aux grandes questions de la société et du monde. Sa force tient à sa capacité à s’ouvrir en permanence sur l’extérieur. Il doit être le lieu où les hommes et les femmes, les jeunes et les anciens, les Français de toutes les origines, de tous les talents et de tous les métiers, de toutes les singularités et de toutes les générosités se retrouvent. Il doit être un véritable reflet de la société française.
Et donc oui, il est vital de rendre le PS accueillant à tous ceux qui veulent le rejoindre. Comme je vous le disais en lisant la lettre envoyée aux militants socialistes, imaginons :
Imaginons ensemble que nous soyons d’accord pour ouvrir les portes et les fenêtres de notre maison commune ;
Imaginons que dans un an, nous aient rejoint 200 000 ou 300 000 Français ;
Imaginons un Parti où la jeunesse revienne en masse ;
Imaginons une nouvelle génération ;
Imaginons un Parti où la France métissée se reconnaisse ;
Oui, les militants doivent être nombreux et respectés.
Oui, le montant de la cotisation ne doit pas être un obstacle à leur adhésion et à l’avenir, le prix de l’adhésion devra être fixé à 20 euros.
Oui, l’activité des sections doit tenir compte de la diversité des rythmes de vie et des contraintes de temps des adhérents.
Oui, les sections et fédérations du parti doivent être des lieux attractifs, agréables, sympathiques, où l’on a plaisir à se retrouver.
Oui enfin, il faut faire confiance aux échelons locaux du Parti et décentraliser des responsabilités aux fédérations, notamment pour conduire des débats et faire des propositions sur tel ou thème.
Les élections régionales, départementales et municipales ont prouvé que les Français faisaient majoritairement confiance aux élus socialistes parce qu’ils les jugent sur leurs actes et sur la réalité de politiques qui réussissent et qui, inspirées par nos valeurs de gauche, font tenir les gens debout ensemble sur un territoire. C’est pourquoi nous devons donner plus de poids aux intelligences territoriales dans le parti.
Partout dans les régions, existent des universitaires de grand talent, des chercheurs, des syndicalistes, des chefs d’entreprises, des responsables associatifs, des talents culturels qui ne demandent qu’à être associés. Ces énergies doivent se démultiplier au niveau des territoires.
Fédérer la gauche et attirer les démocrates
Alors pour finir, je voudrais aborder avec vous la question qui déchaîne les passions : celle des alliances !
Il est parfaitement légitime que le congrès du PS débatte de sa stratégie d'alliances. Les alliances, c'est une question importante, bien qu'elle ne soit pas première : elle découle en effet du projet du PS, de sa force idéologique, politique, électorale. C'est aussi une question que l'on doit aborder avec franchise, en regardant les réalités en face, en évitant par exemple le double langage des alliances locales les plus diverses, combinées à un discours très fermé voire sectaire au plan national.
Je voudrais rappeler ce soir les deux principes qui guident notre stratégie d’alliance :
Premier principe : nous voulons, comme tous les socialistes, un parti socialiste puissant, plus puissant qu'aujourd'hui. Cela dépend de nous, de notre capacité à nous rassembler, à devenir le parti de toute la société française pour porter un idéal réalisable, un enthousiasme, une gaîté et une envie d’être ensemble.
Deuxième principe : nous gardons bien sûr la stratégie d’alliance née à Epinay. Elle consiste d’abord à rassembler la gauche, toute la gauche. C’est à partir de cette stratégie que nous ferons appel, lors des élections, à ceux qui se reconnaîtront dans notre projet et dans ce rassemblement de la gauche ouvert à tous ceux qui veulent offrir à la France des perspectives nouvelles.
Lors de l’élection présidentielle de 2007, au soir du premier tour, toutes les gauches se sont rassemblées autour de la candidate socialiste.
Dès lors, il est possible d’attirer les démocrates, les humanistes, les tenants de l’État impartial, les défenseurs de la laïcité, les défenseurs des services publics, de la liberté de la presse de la lutte contre les puissances de l’argent, pour battre la droite.
Qui peut nier aujourd’hui, à la vue des dégâts engendrés par le sarkozysme, que la France irait mieux si cette alliance élargie, imaginée avec courage, avait été acceptée ? Il faudra que le centre prenne ses responsabilités et échappe à la mollesse du non choix. Il pourra le faire si nous ne sommes pas sectaires pour des raisons de posture de congrès. Et évitons de faire des discours contre le centre et, localement, des alliances avec lui…
Conclusion : le choix des socialistes : quelle société nous voulons ?
Jamais le moral des Français n’a été aussi bas, comme si nous étions tétanisés par l’implacable travail de sape entrepris par le pouvoir actuel contre notre modèle social.
Non, nous militants socialistes nous n’acceptons pas cela ! Un parti qui se bat pour les citoyens, avec les citoyens, voilà ce que nous voulons, tout de suite, car nous avons une responsabilité immédiate, immense, incontournable, celle que nous ont confiée nos électeurs : proposer une véritable alternative politique et sociale. Une vision du monde.
Car de quoi s'agit-il d'autre après tout que d'avoir une vision d'un monde meilleur et d'unir tous les courages, toutes les intelligences, tous les savoirs et toutes les bonnes volontés pour le construire ? Lorsque, enfin, se dessinera clairement cette alternative, alors les mouvements sociaux reprendront courage et vigueur, et pèseront d’autant plus contre ce système qui aujourd'hui se met en place sans rencontrer de résistance.
Je voudrais saluer à nouveau le signe d’espoir qui nous vient des Etats-Unis. Car à la stratégie de la lutte entre le Bien et le Mal, à la compétition sociale généralisée, Barack Obama a opposé un message de fraternité et d’espoir.
Je vous le disais, et je le rappelle parce que c’est à mes yeux fondamental, il a demandé à l’Amérique de se reconnaître dans le métissage qu’elle porte au plus profond d’elle même.
Il a réconcilié l’Amérique avec une vision généreuse de l’avenir et du monde.
Il a donné toute leur place aux jeunes et aux nouvelles générations.
Il a réaffirmé haut et fort que le talent et la réussite ne sont pas le monopole de quelques uns. Il a voulu que chacun ait la liberté de choisir sa vie.
Il a porté auprès des Américains un projet politique sans concession et sans équivoque : une protection sociale plus universelle, une fiscalité plus progressive, un engagement massif dans l’éducation et une croissance fondée sur l’écologie.
Voilà les fondamentaux que tous les progressistes du monde ont en partage. Voilà les fondamentaux que nous, socialistes, devons être fiers plus que jamais de porter.
Nous avons tant attendu ce congrès. Réussissons-le. Les Français veulent que les idées s'assument franchement, mais que les personnes se respectent. C'est donc pour eux que le congrès de Reims doit être le premier acte de la reconquête idéologique, puis politique, puis électorale. C’est vous, militants, qui, jeudi prochain, aurez la responsabilité de décider de l’avenir du parti socialiste.
Eminente responsabilité, car en décidant de l'avenir du plus grand Parti de gauche, vous choisirez l'avenir de la gauche, et donc de la France. Car après 2008, avant la grande échéance de 2012, chaque année, 2009, 2010, 2011, oui chaque année, il y aura une élection.
Le pire serait de se retrouver à la case départ.
Ayez un vote qui fasse bouger le parti, vers le peuple, vers le futur.
Choisissez un vote qui tourne la page et nous recréé un futur.
Réalisons plus que le changement, un quart de changement, un demi-changement, un nuage de changement, un changement de circonstance.
Bougeons. Osons. Osez ! Plus la participation sera haute, plus la légitimité du résultat sera claire, plus le rassemblement de tous les socialistes pourra se construire, sans écarter quiconque voudra participer à ce travail considérable que les désordres du monde appellent.
Ségolène Royal
mercredi 5 novembre 2008
Discours de Ségolène Royal à Montpellier
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2 commentaires:
hi hi hi je suis heureuse que ce soit elle ;o) meême si l'avance n'est pas géante, ça fait plaisir ^^
@Emelire, merci de me laisser entendre ton enthousiasme!
Moi aussi j'ai été voter dans un élan , et mon ressenti concernant "ma" section ne m'a pas plu du tout!...J'y reviendrais...Il est vrai je leur ai dit que je fréquentais désirs d'avenir...dès lors l'isoloir devenait quelque peu superflu, n'est-ce pas?
Bien que l'on puisse rompre sa fidélité...pour avoir trop été déçue.
J'ai voté pour elle, et à les entendre s'acharner cela renforce mon choix!
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