mardi 18 décembre 2007

L’indifférence est le terreau de l’impunité.


Guatémala et Mexique : la vie des femmes ravagée par les brutalités dans l’indifférence générale

sur Amnesty international

17 septembre 2007

Des milliers de femmes ont été enlevées, violées, torturées et tuées au cours des dix dernières années au Guatémala et au Mexique. Or, ces affaires font souvent l’objet d’enquêtes bâclées – lorsqu’il y a une enquête – et les responsables sont rarement poursuivis en justice.

Depuis 2001, plus de 2000 femmes et jeunes filles ont été victimes de meurtre au Guatémala, avec une moyenne annuelle d’environ 580 victimes. Le nombre d’homicides de femmes et d’hommes est très élevé dans le pays mais, selon les Services du procureur des droits humains, les victimes de sexe féminin subissent en outre des atrocités et des violences physiques directes, notamment des viols : « La différence, c’est que les femmes, ils les font souffrir davantage avant de les tuer. »

Au Mexique, 67 p. cent des femmes de plus de quinze ans ont subi des violences chez elles, à l’école ou sur leur lieu de travail.

Enquête nationale sur la dynamique des relations dans le foyer, réalisée en 2006 par l’Institut national des statistiques et le Fonds de développement des Nations unies pour la femme

Au Mexique, la situation n’est guère meilleure. Les violences domestiques et familiales, y compris les violences sexuelles, sont fréquentes et seraient particulièrement marquées dans les communautés indigènes, qui comptent parmi les populations les plus marginalisées et vulnérables du pays. Mais il est rare que les victimes dénoncent ces atteintes à leurs droits fondamentaux, car la société ne prête pas attention à la violence contre les femmes, la nie ou la juge avec indulgence, et le système pénal remplit rarement sa tâche. « Dans le Guerrero, les femmes n’ont pas accès à la justice », souligne Neil Arias, avocate au sein de l’organisation mexicaine de défense des droits humains Tlachinollan. C’est notamment dans l’État de Guerrero que vivent les populations indigènes les plus nombreuses et les plus pauvres du Mexique. « Les autorités ne sont pas à l’écoute des femmes qui veulent dénoncer la violence [...] Elles se contentent de vous dire de faire la paix avec votre mari et de lui obéir […] Elles ne veulent pas faire plus. »

Au Guatémala, les victimes sont confrontées à une apathie similaire : les autorités ne mènent que des parodies d’enquêtes et ont tendance à reprocher aux femmes d’être responsables de ce qui leur arrive. « Ils s’en fichent », lance Jorge Velásquez à propos de l’attitude des pouvoirs publics face au meurtre de sa fille Claudina, une étudiante en droit de dix-neuf ans abattue en 2005.

« Selon eux, ce n’était pas la peine d’ouvrir une enquête sur la mort de Claudina, explique Jorge Velásquez. Ils ont établi quatre raisons principales [pour justifier leur décision] : 1) l’endroit où on l’a retrouvée ; 2) elle portait un collier ; 3) elle avait un piercing au nombril, et 4) elle portait des sandales. »

Des tentatives d’amélioration

Cette année, le Mexique a adopté une loi fédérale renforçant le droit des femmes de ne pas être soumises à la violence. Il a également créé les Services de la procureure spéciale chargée d’enquêter sur les violences contre les femmes. Mais des femmes continuent d’être tuées, notamment dans des villes comme Ciudad Juárez et Chihuahua. Même si dans certains cas les enquêtes sont plus sérieuses, les responsables font encore très rarement l’objet de poursuites et de condamnations dans le pays.

En septembre 2006, le Guatémala a mis en place un Institut national des sciences médicolégales, qui réunit l’ensemble des services de médecine légale de différents organes gouvernementaux. Mais aucun budget n’a encore été alloué à cet institut, ce qui constitue un nouvel exemple de l’indifférence du gouvernement.

« Quand une femme meurt au Guatémala, on dit que c’est parce qu’elle l’a cherché, déplore Jorge Velásquez. Si elle meurt, c’est parce qu’elle s’est retrouvée là où elle n’aurait jamais dû être. C’est dur à dire, mais ils pensent peut-être que Claudina faisait partie d’un gang ou qu’elle se prostituait. Comment peut-on élucider une affaire si on ne s’y intéresse pas ? Il n’y a qu’un mot pour décrire cette attitude : l’indifférence. Et l’indifférence est le terreau de l’impunité. »

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