mercredi 2 juillet 2008

Evelyne Rochedereux, Attirances [extraits]

"Qui pense encore à vous, Mademoiselle Az, antiquaire dans ma petite ville chez laquelle j'allais (...), accompagnée de mon copain Loïc ? Nous étions l'un et l'autre fascinés par le décor, lui par les meubles et objets anciens dont elle prenait le temps de nous conter l'histoire, moi par le costume-cravate et la coupe à la garçonne de cette femmes imposante, à la voix si douce, qui nous accordait plus d'attention qu'aucun autre adulte. (Moi) je pense encore à vous, car vous avez été, lorsque j'avais dix ans, la première image de notre différence."

(...)

"Etes-vous encore vivante Mademoiselle Fx, prof de gym au lycée ? (...) La qualité de votre enseignement, la gloire qui vous entourait (internationale de hand-ball et de volley) ne vous protégeaient pas de l'ostracisme de vos collègues, ni du harcèlement de la surveillante générale (laquelle voyait d'un mauvais œil la passion que vous vouait l'une de ses nièces). Vous faisiez "salle de gym à part", la seule prof partageant votre espace et affichant sans vergogne son amitié pour vous, étant, et ce n'était certainement pas un hasard, une femme juive, rescapée des camps de la mort. Les autres profs préféraient s'entasser à quatre dans une salle séparée, de peur d'être assimilées à votre réputation de femme ayant "des mœurs spéciales" et de côtoyer votre allure de jeune garçon, toujours en pantalon et semelles de crêpe, cheveux en brosse. (...) À la manière dont vous étiez traitée, nous avons appris ce qu'était la discrimination."

Evelyne Rochedereux, Attirances

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