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Réparer l’excision, réparer les excisées
sur http://www.sap-pos.org/txt-fr/2004/decembre/feminisme.htm
Par Virginie Godet
Cela fait quelques mois maintenant que l’on entend de ci de là parler de Pierre Foldes, surtout dans les émissions médicales. Alors, qu’a-t-il donc fait de si extraordinaire, ce monsieur ? D’un point de vue strictement technique, il a mis au point une nouvelle opération bénigne. D’un point de vue humain, il a rendu à un petit nombre de femmes (encore bien trop peu) leur intégrité physique, et leur a donné une nouvelle chance de s’épanouir. Pas mal, pour un seul homme...
Pour comprendre toute l’importance du travail du docteur Foldes, je voudrais que chacun d’entre vous tente d’imaginer la vie sexuelle d’une femme dépourvue de clitoris. Pour les femmes, ce sera certainement facile. Pour les hommes, pensez à une partenaire qui n’aurait sans doute aucun désir, pour qui faire l’amour relèverait du sacrifice, serait un moment de souffrance. Voilà, maintenant nous pouvons vraiment commencer...
Pierre Foldes est chirurgien urologue, un spécialiste de la verge. Depuis maintenant 25 ans, il donne un peu de son temps à Médecins du Monde. C’est au cours d’une mission au Burkina Faso qu’il a découvert les ravages causés par l’excision sous ses différentes formes, qui vont de la "simple" ablation du gland clitoridien(1) à ce que l’on appelle l’excision pharaonique, c’est à dire l’ablation du clitoris, des grandes et petites lèvres et leur infibulation - on les recoud en ne laissant qu’une ouverture pour l’écoulement des règles(2). Cette mutilation, destinée à reléguer la femme à son seul rôle de reproductrice, est à l’origine de nombreux problèmes sanitaires : infections, accouchements pénibles, voir mortels, cicatrices douloureuses.
Bien sûr, des lois sont promulguées contre cette pratique. En Afrique, on organise des campagnes de sensibilisation, surtout pour les mères. Trop souvent, les femmes reproduisent leur propre oppression(3), et ce sont elles qui insistent pour que leurs filles soient excisées. Des plans de réinsertion professionnelle sont prévus pour les exciseuses, pour qu’elles puissent continuer à gagner leur vie, tout en renonçant à cette activité (par ailleurs fort lucrative dans des pays où 95% de la population féminine est excisée). Tout cela est fort bien, mais c’est encore trop peu. Et pour les filles ayant subi l’excision, c’est trop tard.
C’est là qu’intervient le docteur Foldes et sa technique de réparation, si simple qu’on se demande pourquoi elle arrive seulement maintenant. Pour la petite histoire, on pratique des reconstructions de la verge depuis environ 150 ans. Par contre, le clitoris est peu ou pas étudié en faculté de médecine. Il ne sert à rien. Et le plaisir ? C’est un plus, mais ce n’est pas une fonction organique vitale. Tout restait donc à inventer.
Il faut savoir que le clitoris se prolonge sur plus de 10 cm le long de l’os pubien. Lors de l’excision, on en sectionne la partie apparente : le gland clitoridien. L’opération consiste à remettre à jour la partie enfouie, à libérer les ligaments qui la retiennent au pubis et à la remettre à sa place pour former un nouveau gland. Au bout de quelques mois, les nerfs sont à nouveau sensibles. L’opération dure 45 minutes, sous anesthésie générale, bien qu’elle soit tout à fait réalisable sous anesthésie régionale. On évite ainsi de générer un nouveau traumatisme. L’excision est, pour beaucoup de ses victimes, assimilée à un viol.
A présent, 15 femmes se font opérer chaque semaine. En France, l’opération est depuis peu prise en charge par la CNAM (caisse nationale d’assurance maladie). Auparavant, Pierre Foldes travaillait gratuitement. Il donne des formations sur cette technique dans des universités américaines et est en contact avec les gouvernements africains. Un tiers de son temps est consacré aux femmes mutilées. Et le prix Nobel de médecine vient d’atterrir sur des chercheurs étatsuniens étudiant l’olfaction !
Et chez nous ? Le déficit de la sécurité sociale serait-il irrémédiablement aggravé par le remboursement d’une opération dont on ne peut pas oser dire qu’elle relève du simple confort ? Les futurs gynécologues ne gagneraient-ils pas beaucoup à être formés à cette technique ? Les femmes excisées vivant en Belgique doivent-elles absolument se rendre en France pour recouvrer leur intégrité ? J’ai la désagréable impression que, comme c’est encore une histoire de bonnes femmes, les choses vont traîner en longueur. Comment voulez-vous parler du clitoris à la Chambre, alors que 30% des hommes ne savent même pas que ça existe !
mercredi 13 février 2008
Réparer l’excision, réparer les excisées
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