dimanche 13 avril 2008

L’antipsychiatrie ?



L’antipsychiatrie ?

source : Psychanalyse en société

par mamy tartine, Dr en psychologie, exerce la psychanalyse et la pratique sociale

28 août 2005

Philippe dans un blog précédent, me faisait remarquer qu’il y avait des mots qu’il ne comprenait pas… Antipsychiatrie, par exemple. Bon. Que de souvenirs, de réunions, de discussions à bâtons rompus… tard… quelques traces de cette effervescence dans la revue Transitions (revue de l’Association pour l’Etude et la Promotion des Structures Intermédiaires) et dans les livres de Maud Mannoni, ses amis et élèves qui suivirent ses pas en faisant vivre l’actuel Espace Analytique ( http://www.espace-analytique.org/spip.php ?breve4) L’antipsychiatrie est un mouvement international, qui prit sa source vers 1950 aux USA avec Bettelheim, qui naquit en Angleterre avec Laing et Cooper, et qui fleurit en France avec Oury et Tosquelles, pour s’épanouir en Italie avec Basaglia. Dans le sillage de la guerre, un certain nombre de psychiatres pensèrent que l’on devait faire autrement que de « concentrationner » les fous à l’intérieur de murs infranchissables (cf. le film Vol au dessus d’un nid de coucous). Baignés par les idées des surréalistes, ils pensèrent aussi que la folie est créative. Ils en déduisirent, avec les psychanalystes, Freud, Lacan et surtout leurs élèves, que la déraison n’était pas incompréhensible, mais composante à part entière de notre humanité. Partant, l’on pouvait « vivre avec », que l’on soit le fou ou son proche.

L’article de Robert Lefort – que je remercie ici au passage - dans l’Encyclopedia Universalis ( http://www.universalis-edu.com/ ) résume bien la réflexion théorique de ce mouvement, qui fut influant au point que les malades ne furent plus jamais après, enfermés comme avant. Si l’invention des neuroleptiques y aida beaucoup, l’apport des sciences exactes ou prétendues telles - DSM 3 … – reste problématique.

En effet, je m’explique les choses de la manière suivante. L’idée de la folie, apportée par le discours de la science et la naissance de la psychiatrie, ne vit pas naître en même temps les repères symboliques des relations humanisantes entre les patients et les médecins. Le lien entre les deux fut réduit à la nécessité de guérison médicale (suppression des symptômes sans rapport avec le désir et la vie du sujet). Dit autrement, il y avait à l’âge classique dans la religion une certaine pensée concernant la démence, et comment individuellement et collectivement on pouvait faire avec. Les sorciers dans les civilisations primitives accompagnent les crises de folie ; par exemple, le rituel du Ndup au Sénégal. Les prêtres accueillaient en leurs hospices ceux qui se sentaient à-côté-de-la-plaque. Dans les discours religieux, circule une éthique des rapports de l’homme avec cette part irrationnelle de lui-même. C’est une réponse non écrite, à une question qui se transmet au-delà des mots, et qui avec l’interrogation du « bien ou mal faire » auprès d’autrui, transporte aussi avec elle l’idée du sacré, l’idée de la chose immuable qu’il convient de respecter pour préserver et transmettre la vie et son sens collectif. Cette éthique garantissait, sans absolu évidemment, les rapports de l’homme avec le fou et la place comme le sens de la folie dans la société…

Comme l’ont remarqué Michel Foucault ou Paul Bercherie, le discours scientifique du fait de sa conjonction univoque entre la matière et l’énoncé, le fou et ce qu’on en dit, n’emporte pas la question du sens, ni celle de l’homme, ou de son bien en regard du sens de la vie, ou tout simplement de ce que serait un homme ou la vie elle-même. Règne cet impératif scientifique de guérir la folie en tant que symptôme dérangeant.

Dans ce contexte, médicalisé au sens de la biologie du corps, je veux situer ce qui me fut transmis par mes pères et mes pairs de l’antipsychiatrie. Je veux le situer dans cet espace précieux de leur bienveillance à l’égard de l’humaine condition, celle de leurs élèves et de leurs patients. C’est ce petit rien… au-delà du discours militant de nos participations actives à la démocratie, … un petit rien placé dans cette double question éthique : celle de la qualité de ma présence auprès des patients, et celle de la place que nous leur faisions dans le discours social que nous produisions sur eux, pour eux ou avec eux en société. En fait, ce que ces « anti-psychiatres » m’ont offert, dans leur réponse à la folie, c’est un espace de non-réponse, un espace de non-savoir absolu concernant le fou, sa maladie, son désir, et la manière de l’intégrer à notre parole et à notre vie en société… c’est dans cette non-réponse que je l’ai appris….

Car, j’ai du moi-même allé aux livres, rencontrer les autres, écouter, apprendre, chercher les réponses, et répondre de mon acte chaque fois qu’un patient m’y interroge, interroge ma vie, l’outrecuidance de mes connaissances, de ma position sociale…. et de ma bêtise.

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