Article posé suite à un message de Luna box new group sur Second Life (que je continue de recevoir même si je n'y suis plus retournée depuis fort longtemps)
Ce message m'a permis de découvrir Paolo Freire, une belle initiative riche de réflexions visant à éveiller les consciences, une philosophie de la libération par une éducation solidaire, une éducation de la coopération, une éducation fondée sur le dialogue pour en finir avec les systèmes de domination, pour briser la structure dualiste opprimés/oppresseurs.
Sémaphore
Pédagogie des opprimés de Paulo Freire
Janvier 2003
Il s’efforce donc de préciser les attitudes mentales et relationnelles qui obscurcissent ou qui éclairent la conscience personnelle et collective. Il appuie sa réflexion sur l’analyse marxiste des rapports de force entre les groupes humains et une éthique humaniste de l’action humaine.
Cet ouvrage s’adresse aux leaders révolutionnaires, c’est à dire à ceux qui accompagnent les populations opprimées dans un processus de conscientisation et de libération.
Bien que situés historiquement et géographiquement, les analyses des rapports humains et les principes d’action pédagogiques exposés dans ce livre me semblent transposables à notre époque et dans nos pays développés.
L’auteur n’expose pas ici une méthode au sens opérationnel du terme mais plutôt les fondements d'une action de transformation des relations humaines. Ces principes ont semblé précieux à réentendre dans le cadre de la réflexion sur la pédagogie à RECIT
En effet, son analyse peut fortement éclairer un projet d'éducation citoyenne, aujourd’hui.
• Qu'est-ce que la situation d'oppression et comment s'exprime-t-elle dans la contradiction opprimé/oppresseur?
• Peut-on sortir de cette contradiction ? A quelles conditions ?
• Analyse de la conception "bancaire" de l'éducation et de ce qu'elle met en jeu en terme de relation entre éducateur et éduqué, mais aussi en terme de conception du savoir et de la réalité.
Cette déshumanisation n'est pas une fatalité, ni une donnée d'ordre ontologique; elle est le résultat d'un ordre injuste qui engendre la violence et le « moins-être ». C'est un processus qui peut et doit être inversé.
En effet, opprimé et oppresseur sont dans des modes d'être et des visions du monde et d'eux-mêmes dont ils n'ont pas forcément conscience. Ils sont "immergés" dans la situation et la vivent comme incontournable et inchangeable.
La prise de conscience de cette immersion , de cette "adhérence" à l’ordre injuste établi est le premier pas vers une libération et une transformation possibles. Elle nécessite un cheminement et un accompagnement.
Aucune méthode pédagogique n'est neutre mais reflète un certain style de rapport humain .
La pratique de l'éducation en elle-même est porteuse de libération ou d'aliénation non par le contenu des idées qu'elle transmet, mais d'abord par la relation éducateur/ éduqué qu'elle instaure.
L'opprimé est attiré fortement par la personne de l'oppresseur et son mode de vie. Il voudrait accéder à ce mode de vie et à « l'être » de l'oppresseur.
Dans le même mouvement, l'opprimé se déprécie ; intériorisant le jugement de l'oppresseur, il se croit incapable.
L'opprimé veut être mais a peur d'être.
Il est immergé dans l'ordre établi par l'oppresseur à son profit et n'en voit pas la réalité.
Tant qu'il n'a pas localisé en lui-même la présence de l'oppresseur et tant qu'il n'a pas acquis sa propre conscience, il aura des attitudes fatalistes face à sa propre situation.
Pire, quelquefois, recevant la violence de la situation, il la renvoie horizontalement sur ses camarades ou sa famille. Mais, en réagissant ainsi à l’oppression, il devient lui-même oppresseur.
Toute personne, située par sa classe sociale et son niveau de vie du côté des oppresseurs, a, de fait, intérêt à ce que cette situation d’injustice demeure pour continuer à avoir ce qu'il a. Il est, de fait complice de l’oppression faite à l’opprimé, qu’il soit ou non conscient, qu’il soit ou non personnellement responsable.
L'application du droit pour tous représente pour l'oppresseur une grande violence à son droit personnel et des restrictions importantes à ce qu'il considère comme son plus-être et sa liberté.
En effet, l'oppresseur, immergé dans le système de l’oppression et sa logique, ne peut se concevoir lui-même en dehors de la possession et de la domination directe, concrète, matérielle, du monde et des hommes.
- Il transforme tout en objet de domination
- Il voit tout en terme de profit, car l'argent est pour lui la mesure de toute chose.
- Il doute des capacités du peuple.
- Il a tendance, consciemment ou pas à «chosifier l'autre », c’est à dire à le nier en tant que sujet libre et conscient, à ne pas lui accorder les mêmes capacités.
- Il pourra même agir généreusement pour le bien des gens, en donnant un peu de son surplus mais en gardant les personnes ainsi assistées dans l’état d’infériorité dont il a besoin pour maintenir sa situation de dominant. C’est ainsi que Paulo Freire analyse avec sévérité l’action humanitaire qu’il distingue nettement d’une action « humaniste ».
Paulo Freire n’analyse pas ici des comportements psychologiques conscients et volontaires, mais des relations objectives dans lesquelles les uns et les autres sont pris, de fait.
subjective parce que c'est un sujet qui comprend et agit,
objective parce qu'il comprend et agit sur une réalité qui n'est pas lui.
(attitude qu'il oppose à deux déformations, qu’il appelle le subjectivisme et la rationalisation).
La lutte pour supprimer l'injustice qui nous apparaît comme une nécessité , si elle ne tend qu’à inverser les rapports de force, ne résoudra pas les choses: elle les inversera peut-être, mais ce qui importe c'est de modifier le type de relation que nous entretenons tous (opprimés comme oppresseurs) avec l'autre et avec le monde
Il définit la conception pédagogique traditionnelle comme une"conception bancaire" de l’éducation parce qu'il analyse l'acte pédagogique pratiqué comme un acte de dépôt d'une matière inerte et prédéfinie dans un contenant vide prêt à recevoir et à mémoriser.
Elle rend impossible un savoir constructeur de la personne.
« Il n'y a alors, ni créativité, ni transformation, ni savoir. »
"Personne n'est l'éducateur de quiconque, personne ne s'éduque lui-même,
seuls les hommes s'éduquent ensemble, par l'intermédiaire du monde."
L'objet de connaissance n'est plus le but de l'acte cognitif, il n'est plus la propriété de l'éducateur, mais un objet de médiation, l'intermédiaire entre plusieurs sujets connaissant.
III Le dialogue, essence de l’éducation vue comme pratique de la liberté.
Si l’homme se définit par la parole, le dialogue permet l’échange de cette parole. (la parole est prise ici comme une parole transformatrice, créatrice, à la fois langage et action)
Prononcer une parole authentique, c’est déjà transformer le monde. La parole a deux dimensions, d’action et de réflexion. Si elle n’est que discours, elle est verbiage. Si elle n’est qu’action, elle est activisme.
Le dialogue est donc pour ces raisons une nécessité existentielle.
- la réalité concrète de l’homme éduqué est première, avant même le contenu à enseigner ou la réalité à transformer.
- ce qui éduque, ce n’est pas d’abord ni seulement le contenu du programme , mais le type de relation que l’on établit avec celui qu’on éduque à l’occasion de l’échange provoqué par le sujet abordé.
Il développe longuement à ce propos ce qu’il appelle dans sa méthode pédagogique la recherche de l’univers thématique du peuple ou des « thèmes générateurs » qui sont le point de départ à partir desquels se construisent les contenus..
Le dialogue rentre ensuite en jeu dans le processus même de formation.
C’est à travers le dialogue, en effet, qu’une situation concrète cesse d’être subie comme inévitable et peut commencer à s’analyser comme un problème à résoudre, un défi adressé à l’homme pour créer quelque chose de nouveau.
IV Action dialogique et antidialogique.
Dans le quatrième chapitre, Paulo Freire élargit son analyse critique à ce qu’il appelle l’action culturelle globale (l’accompagnement des opprimés par les leaders révolutionnaires).
Il détaille les caractéristiques d’une action « antidialogique » telle qu’elle est pratiquée dans une situation d’oppression et, à l’opposé, celles d’une action « dialogique » qui fonde toute action culturelle visant la libération et le dépassement de la situation d’oppression.
L'action antidialogique.
L’action menée par les oppresseurs est une action antidialogique qui nie, bafoue ou se méfie du dialogue comme mode d’action. Elle s’appuie en effet sur:
- une attitude de conquête
L’attitude de conquête consiste à dépouiller l’autre de sa parole, de ses moyens d’expression, de sa culture.
Conquête ou « invasion culturelle » où le dominant envahit le contexte culturel de l'autre avec ses modèles de valeurs. Le dominé, subissant cette invasion depuis l’enfance (par l’éducation et les médias),est immergé dans la culture du dominant, la pense comme naturelle ou liée à la modernité et donc meilleure que la sienne, croit à son infériorité et auto censure sa propre créativité. Il finit par se voir lui-même et la situation dans laquelle il vit avec les yeux des dominants et non les siens.
L’auteur fait à ce propos la critique des institutions officielles de formation (foyers familiaux, écoles primaires et secondaires, universités) « qui n'échappent pas aux influences des conditions objectives de la structure environnante et fonctionnent généralement comme des agences de formation de futurs envahisseurs". Il observe ce même phénomène à l'intérieur des familles.
- .un monde figé, statique , auquel il faut s'adapter car on ne peut rien faire d'autre. (le contraire d'un problème à résoudre ou d'un défi adressé à l'homme);
- la pratique de la division. « Diviser pour régner » est la règle de tous les oppresseurs. Celle-ci facilite le maintien de la domination.
Diviser, isoler, maintenir dans une vision parcellaire des problèmes. Pour l’auteur, la mise en valeur hypocrite des revendications communautaristes relève chez certains dirigeants de cette pratique de division.
La manipulation cherche à anesthésier, à empêcher l'autre de penser seul, à l’amener sournoisement à adopter sa propre pensée.
L'action dialogique
Loin de manipuler le peuple, les leader l’inciteront à s’organiser pour une tâche commune.
Il insiste aussi .sur le risque d'être pris par la peur de la liberté, du nouveau, du risque.
Il n'y a pas de solidarité réelle avec l'opprimé sans une transformation profonde chez l'oppresseur:dans son mode d'être au monde, dans sa relation à son propre épanouissement, dans son regard sur l'autre (et en particulier l'étranger, le pauvre...)
Pour plus d'informations vous pouvez consulter notre site www.recit.net
Nous contacter par mail recit@recit.net ou par téléphone 06 67 05 58 95
RECIT 15 avenue Robert Fleury 78 220 VIROFLAY (France)
1 commentaire:
le message de luna box new group sur Second Life :
Group Notice From: Plot Tracer
SLLU have proposed a new educational build in it's hub building. It will be an educational experience built with the principles of Paulo Freire in mind (please see http://en.wikipedia.org/wiki/Paulo_Freire
And - http://en.wikipedia.org/wiki/Pedagogy_of_the_Oppressed for more details)
WE NEED VOLUNTEERS! Educationalists with an interest in Freire are welcome as well as people wanting to learn. Please contact me, Plot Tracer if you are interested.
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