mardi 25 mars 2008

D'amours et de honte engorgées, Ma mère toute bue de Valéry Meynadier


© Peinture Mili Presman 2005 (Je dois partir)

D'amours et de honte engorgées

J'ai lu "Ma mère toute bue" bien avant qu'il ne soit publié, je l'ai lu sur mon écran, je l'ai lu presque d'une seule traite, Valéry Meynadier a un style qui lui est propre, elle n'a pas peur des mots, elle ne les prends pas avec des pincettes, elle les arrache à l'étendue des multiples registres lexicaux, elle les arrache à vif, dans un état d'urgence à dire la violence, toute la violence de la vie dans sa déchéance même, dans ses obstination en brèche avec ses limites. Alors de ses mots elle cogne Valéry, elle cogne contre toutes résignations.

Familier et soutenu se heurtent, s'entrechoquent, creusant avec véhémence le terreau linguistique pour exprimer toute l'intensité des sentiments exacerbés face à la souffrance, face au sentiment d'être démunie devant une dépendance telle que l'alcoolisme, face à la honte engorgée.

"Ma mère toute bue" est un cri d'amour, d'un amour éperdu, désespéré devant l'aveu de son incapacité à l'accomplissement de cet amour sauveur qu'il voudrait être. Si Gabrielle déteste sa mère de l'aimer autant, c'est bien de cela dont il s'agit. Aussi, je vous recommande sa lecture.

Sémaphore

[extrait] : http://archipelrouge.blogspot.com/2008/03/ma-mre-tout-bue-de-valry-meynadier_25.html

Ecoutez Valéry Meynadier sur l'EKO des garrigues http://eko.ferarock.info/zarba11-200803.mp3

L'EKO : Nîmes, Montpellier, Sète : 88.5 MHz

— Si j’écris, c’est pour me dire un jour que j’ai inventé ma vie. Que rien de ce qui m’est arrivé m’est arrivé.

Me dire que tout est faux alors que tout est vrai. Écrire, c’est ça: confondre le vrai et le faux, les confondre dans un duel sans merci, sans vainqueur. C’est devenir mon propre personnage. À ma mort, pouvoir me dire: c’est encore de la littérature! Enfant, je voulais être funambule. J’y ai gagné le vertige. J’en arrive parfois à douter même de ma propre existence.

Ma mère toute bue
, mon premier roman, que vous pouvez trouver en m’écrivant, parle d’alcoolisme. C’était il y a une vingtaine d’années. Aujourd’hui, je me reluque, en me disant: je buvais avant? Avant quoi? Avant? On y rencontre une jeune ado enragée de vivre, la Gab et sa mère, Céleste, enragée de mourir. Il y a aussi la putain, Prune et la Providence, Éléonore.

C’est un livre dense sur le vide. Boire, c’est se remplir jusqu’au vide, tandis que les autres, les proches tombent au-dedans. C’est l’histoire d’une chute, d’un combat. Histoire d’amour entre une mère et sa fille. Une histoire, encore une histoire, je suis entourée, cernée d’histoires, ma peau en est pleine. V.M.

in revue : http://www.monsieurtoussaintlouverture.net/index.html

---------------------------------

Alcool, mère et fille

source : le nouvel obs, bibliobs

Par Caroline Brizard

C'est vrai qu'elle l'aime, sa mère, elle l'aime à corps perdu, «sa mie d'amour», éthylique, prostituée et manipulatrice. L'adolescente a peur pour elle, souffre pour elle, épouse malgré elle ses angoisses et sa lâcheté. Aspirée par sa misère, guettant ses marques d'affection.


Le texte de Valéry Meynadier cogne comme un cœur qui fait mal, mots jetés, malmenés, dérangeants, pour décrire cette relation folle qui fait la pâte même de son être. Mère alcoolique et fille si étroitement nouées ensemble qu'il faut que la première meurt pour que la seconde puisse espérer vivre. Mais se sauve-t-elle vraiment ?

C. B.

«Ma mère toute bue», de Valéry Meynadier, Chèvre-Feuille étoilée, 190 p., 10 euros.

Aucun commentaire: