mardi 30 septembre 2008

Eloge du bon sens par Eduardo Galeano.

Notre monde malade d’inconstance et de délaissements souffre d’une autre affection bien cruelle : l’absence de larges espaces ouverts au dialogue et au travail partagé. Où trouver une aire de réunion dans laquelle la rencontre et l’échange seraient encore possibles ? Ne pourrait-on commencer par la chercher dans le sens commun ? Ce bon sens désormais si précieux et si rare.

Prenons les dépenses militaires par exemple. Chaque jour, le monde consacre 2,2 milliards de dollars à la production de mort. Plus précisément, le monde consacre cette fortune colossale à promouvoir de gigantesques parties de chasse où le chasseur et la proie sont de la même espèce, et dont sort vainqueur celui qui aura occis le plus grand nombre de ses congénères. Neuf jours de dépenses militaires suffiraient à procurer nourriture, éducation et soins à tous les enfants de la Terre qui en sont dépourvus.

A priori, cette débauche financière constitue une flagrante violation du sens commun. Et a posteriori, qu’en est-il ? La version officielle justifie ce gaspillage en raison de la guerre contre le terrorisme. Mais le bon sens nous dit que le terrorisme lui en est extrêmement reconnaissant. Nul besoin d’être grand clerc pour constater que les guerres d’Afghanistan et d’Irak ont produit sur le terrorisme un considérable effet de dopage. Les guerres relèvent du terrorisme d’Etat, le terrorisme d’Etat se nourrit du terrorisme privé, et réciproquement...

Les chiffres ont été publiés récemment : l’économie américaine se redresse et croît de nouveau à un rythme satisfaisant. Selon les experts, sans les dépenses liées à la guerre en Mésopotamie, cette croissance serait nettement moins forte. En quelque sorte, la guerre contre l’Irak constitue une excellente nouvelle pour l’économie. Et pour les morts ? Le sens commun se fait-il entendre par la voix des statistiques économiques, ou par la voix de ce père meurtri, Julio Anguita (1), lorsqu’il dit : « Maudites soient cette guerre et toutes les guerres » ?

Les cinq plus grands fabricants et vendeurs d’armes (Etats-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni, France) sont les Etats qui jouissent du droit de veto au Conseil de sécurité des Nations unies. Que les garants de la paix mondiale soient également les plus importants fournisseurs d’armes de la planète, n’est-ce pas une insulte au bon sens ?

A l’heure de vérité, ce sont ces cinq pays qui commandent. Ce sont également eux qui dirigent le Fonds monétaire international (FMI). La plupart d’entre eux figurent parmi les huit Etats qui prennent les décisions déterminantes au sein de la Banque mondiale. Ainsi qu’au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) où le droit de vote est prévu mais jamais utilisé.

La lutte pour la démocratie dans le monde ne devrait-elle pas commencer par la démocratisation des organismes prétendument internationaux ? Qu’en dit le sens commun ? Il n’est pas prévu qu’il émette un avis. Le bon sens n’a pas le droit de vote, et guère davantage droit à la parole.

Une grande partie des crimes les plus atroces et des pires préjudices commis sur cette planète sont perpétrés par l’entremise de ces organismes (FMI, Banque mondiale, OMC). Leurs victimes sont les « disparus » : non pas ceux qui se sont perdus dans la nuit et le brouillard de l’horreur des dictatures militaires, mais les « disparus de la démocratie ». Ces dernières années, en Uruguay, mon pays, comme dans tout le reste de l’Amérique latine et les autres régions du monde, on a vu disparaître les emplois, les salaires, les retraites, les usines, les terres, les rivières. Même nos propres enfants ont disparu, forcés d’émigrer à la recherche de ce qu’ils ont perdu, reprenant en sens inverse le chemin d’émigrants de leurs aïeux.

Le bon sens nous oblige-t-il à subir ces douleurs évitables ? A les accepter, en nous croisant les bras, comme si c’était l’œuvre fatale du temps ou de la mort ?

Acceptation, résignation ? Force est d’admettre que, peu à peu, le monde devient moins injuste. Pour prendre un exemple, la différence entre le salaire de la femme et celui de l’homme n’est certes plus aussi abyssale qu’autrefois. Mais, au train où vont les choses, c’est-à-dire pas bien vite, l’égalité salariale entre hommes et femmes aura lieu dans 475 ans ! Que conseille le bon sens ? D’attendre ? Il n’existe aucune femme, à ma connaissance, qui pourrait vivre aussi longtemps...

La véritable éducation, celle qui émane du bon sens et qui mène au bon sens, nous enseigne à lutter pour récupérer ce qu’on nous a usurpé. L’évêque catalan Pedro Casaldaliga (2) a une longue expérience des années passées dans la forêt brésilienne. Et il dit que, s’il est vrai qu’il vaut mieux enseigner à pêcher qu’offrir un poisson, en revanche, rien ne sert d’enseigner la pêche si les rivières ont été empoisonnées ou vendues.

Pour faire danser les ours dans les cirques, le dompteur les dresse : au rythme de la musique, il leur frappe la croupe à l’aide d’un bâton hérissé de pointes. S’ils dansent correctement, le dompteur cesse de les battre et leur donne de la nourriture. Sinon, la torture continue, et, la nuit tombée, les ours retournent dans leurs cages le ventre vide. Par peur, peur des coups, peur de la faim, les ours dansent. Du point de vue du dompteur, cela n’est que pur bon sens. Mais du point de vue de l’animal brisé ?

Septembre 2001, New York. Lorsque l’avion éventra la seconde tour, et que celle-ci commença à craquer puis à s’effondrer, les gens se sont précipités en dévalant à toute vitesse les escaliers. Les haut-parleurs ont alors intimé l’ordre à tous les salariés de retourner à leur poste de travail. Quels sont ceux qui ont agi avec bon sens ? Seuls ceux qui ont désobéi eurent la vie sauve.

Pour nous sauver, se rassembler. Comme les doigts d’une même main. Comme les canards d’une même volée.

Technologie du vol collectif : le premier canard se lance et ouvre la voie au second, qui indique le chemin au troisième, et l’énergie du troisième fait s’envoler le quatrième, qui entraîne le cinquième, et l’élan du cinquième provoque l’envol du sixième, qui donne de la force au septième...

Lorsque le canard éclaireur se fatigue, il rejoint la queue de l’essaim et laisse sa place à un autre, qui monte au sommet de ce V inversé que les canards dessinent dans l’air. Tous prendront à tour de rôle la tête et la queue du groupe. D’après mon ami Juan Díaz Bordenave (3), qui n’est pas « palmipédologue » mais qui s’y connaît, aucun canard ne se prend pour un supercanard s’il vole devant, ni pour un sous-canard s’il est en queue. Les canards, eux, n’ont pas perdu leur bon sens.

Eduardo Galeano, août 2004

(1) NDLR. Julio Anguita, homme politique espagnol, dirigeant historique d’Izquierda Unida (Gauche unie) dont le fils, Julio Anguita Parrado, journaliste, correspondant du quotidien madrilène El Mundo et qui accompagnait (« embedded ») la 3e Armée américaine lors de l’invasion de l’Irak, a été tué par un missile irakien au sud de Bagdad le 7 avril 2003.

(2) NDLR. Mgr Pedro Casaldaliga, né en 1928, religieux clarétain, théologien de la libération, évêque titulaire depuis trente-cinq ans de la prélature de São Felix de Araguaïa, une des plus pauvres du Brésil, perdue dans l’Etat du Mato Grosso. En 1992, son nom a été proposé pour le prix Nobel de la paix.

(3) NDLR. Juan Enrique Díaz Bordenave, essayiste paraguayen, spécialiste de la communication, auteur, entre autres, de Comunicacion y Sociedad, Busqueda, Buenos Aires, 1985.

source : http://www.monde-diplomatique.fr/2004/08/GALEANO/11491.html

Nous allons porter les yeux au-delà de l’infamie, par Eduardo Galeano

Nous allons porter les yeux au-delà de l’infamie, pour deviner un autre monde possible. Un autre monde où :

. l’air sera exempt de tout poison qui ne viendra pas des peurs humaines et des passions humaines ;

. dans les rues, les automobiles seront écrasées par les chiens ;

. les gens ne seront pas conduits par l’automobile, ni programmés par l’ordinateur, ni achetés par le supermarché, ni regardés par la télé ;

. le téléviseur cessera d’être le membre le plus important de la famille, et sera traité comme le fer à repasser ou la machine à laver ;

. les gens travailleront pour vivre au lieu de vivre pour travailler ;

. on introduira dans le code pénal le délit de stupidité, que commettent ceux qui vivent pour posséder ou pour gagner, au lieu de vivre tout simplement pour vivre, comme un oiseau chante sans savoir qu’il chante et comme un enfant joue sans savoir qu’il joue ;

. on n’emprisonnera plus les jeunes qui refusent de faire leur service militaire, mais ceux qui veulent le faire ;

. les économistes n’appelleront plus niveau de vie le niveau de consommation, et n’appelleront plus qualité de vie la quantité de choses ;

. les chefs de cuisine ne croiront pas que les langoustes adorent être bouillies vivantes ;

. les historiens ne croiront pas que les pays sont enchantés d’être envahis ;

. les politiciens ne croiront pas que les pauvres sont enchantés de se nourrir de promesses ;

. la solennité cessera de croire qu’elle est une vertu, et personne ne prendra au sérieux l’individu incapable de rire de lui-même ;

. la mort et l’argent perdront leurs pouvoirs magiques, et le décès ou la fortune ne feront pas d’une canaille un homme vertueux ;

. nul ne sera considéré comme un héros ou un imbécile parce qu’il fait ce qu’il croit juste au lieu de faire ce qui lui convient le mieux ;

. le monde ne sera plus en guerre contre les pauvres, mais contre la pauvreté, et l’industrie de l’armement n’aura plus d’autre solution que de se déclarer en faillite ;

. la nourriture ne sera pas une marchandise, ni la communication un commerce, parce que la nourriture et la communication sont des droits humains ;

. nul ne mourra de faim, car nul ne mourra d’indigestion ;

. les enfants de la rue ne seront plus traités comme s’ils étaient de l’ordure, car il n’y aura pas d’enfants de la rue ;
. les enfants riches ne seront plus traités comme s’ils étaient de l’argent, car il n’y aura pas d’enfants riches ;

. l’éducation ne sera pas le privilège de ceux qui peuvent la payer ;

. la police ne sera pas la malédiction de ceux qui ne peuvent l’acheter ;

. la justice et la liberté, sœurs siamoises condamnées à vivre séparées, seront à nouveau réunies, épaule contre épaule ;

. une femme noire sera présidente du Brésil et une autre femme, noire, présidente des Etats-Unis ; une Indienne gouvernera le Guatemala et une autre le Pérou ;

. en Argentine, les folles de la place de Mai – las locas de la plaza de Mayo – seront un exemple de santé mentale, car elles refusèrent d’oublier à l’époque de l’amnésie obligatoire ;

. Notre Sainte Mère l’Eglise corrigera les erreurs des Tables de Moïse, et le sixième commandement ordonnera de fêter le corps ;

. l’Èglise dictera aussi un autre commandement que Dieu avait oublié : « Tu aimeras la nature, dont tu fais partie » ;

. les déserts du monde et les déserts de l’âme seront reboisés ;

. les désespérés seront espérés et les égarés seront retrouvés, car ce sont eux qui se désespérèrent à force d’espérer et qui s’égarèrent à force de chercher ;

. nous serons les compatriotes et les contemporains de tous ceux qui voudront la justice et qui voudront la beauté, quels que soient l’endroit où ils seront nés et l’époque où ils auront vécu, sans accorder aucune importance aux frontières de la géographie ou du temps ;

. la perfection restera l’ennuyeux privilège des dieux, mais, dans ce monde fou et foutu, chaque nuit sera vécue comme si elle était la dernière et chaque jour comme s’il était le premier.


Eduardo Galeano

Tous les mondes d'Eduardo Galeano
(remerciements à Marie-Eve)
http://www.unesco.org/courier/2001_01/fr/dires.htm

Xavier Darcos, ministre du gouvernement Fillon

source : http://jevoudraisvivrelibreetegale.wordpress.com/



Même si changer des couches n’est pas un signe d’inaptitude au reste et que Bac + 5 ne signifie pas grand chose en soi, on ne change pas les couches en maternelle en théorie.

Une internaute a écrit “il a bac + combien lui pour dire autant de conneries?”

En fait Xavier Darcos est apparemment agrégé de lettres classiques et a obtenu un doctorat de troisième cycle en lettres et sciences humaines option mépris? et un doctorat de 3ème cycle en études latines.

Olympe du blog plafond de verre a écrit : “Certes, pour changer des couches ou faire faire la sieste à un enfant il n’y a peut être pas besoin d’avoir un bac+5 mais cela nécessite un savoir-être fait de patience, d’intuition, de contrôle de soi, de souci de l’autre. Il est clair que tout cela n’était pas aux programmes des grandes écoles qu’à faites Mr Darcos.”

Quant aux suppressions de postes, selon cette dépêche, “le nombre des non-renouvellements des postes en raison des départs en retraite sera de 13.500 à la rentrée prochaine, après 11.200 cette année, selon le projet de budget 2009 dévoilé vendredi.”

De nombreux postes seront supprimés, d’autres crées à moins forte échelle dans des sections souvent plus difficiles pour faire avaler la pillule? car si 600 postes seront créés dans les lycées les plus difficiles ainsi que des auxiliaires de vie scolaire concernant la création de 200 nouvelles unités pédagogiques d’intégration, cela restera une goutte d’eau.
Il devrait y avoir 22.000 élèves en moins dans les collèges et lycées à la rentrée 2009 (motif invoqué apparemment), mais sur une classe de 22, cela justifierait seulement 1000 postes supprimés.

Imaginons 800 créations de postes et 1000 suppressions légitimées, cela justifierait alors 1800 postes supprimés et non 13500 ajoutés aux 11200 cette année.

A moins que vraiment les professeur e s aient été en surnombre flagrant mais il semblerait que le chiffre souvent brandi de “32 000 profs qui ne sont pas devant les élèves” soit largement biaisé, beaucoup de ces professeur e s s’occupant de “maintenance informatique, d’animation d’activités sportives le mercredi après-midi, de la gestion des laboratoires de chimie, etc. “

Par ailleurs selon l’article “en compensation, le gouvernement réfléchit à la suppression d’heures de cours” ce qui signifierait d’une part que la suppression de postes ne serait pas justifiée par le nombre de professeur e s “inutilisé e s” et d’autre part qu’il pourrait y avoir une suppression de choix d’options, de matières jugées non “rentables” niveau effectif comme peut-être à terme la philosophie, une matière poussant peut-être à un peu d’esprit critique…

On nous mentirait ?^^
Certain e s au lycée Voltaire semblent dire en tous cas que Mr Darcos ne nous dirait pas toujours la stricte vérité…
http://www.youtube.com/watch?v=QDyGThytN6g
ndlr : le gouvernement vous ment

vendredi 26 septembre 2008

Le gauchiste est-il asocial ? par CSP

Le gauchiste est-il asocial ? par CSP

Publié le 27 juin 2007
par http://mauvaiseherbe.wordpress.com/

Le gauchiste est-il asocial ?

par comité de salut public

"Étude de cas : moi-même. Puisqu’il m’est régulièrement reproché d’être : intolérant, sectaire, borné, fanatique, étroit, psychorigide, en un mot : con. Je tiens à préciser la chose suivante : tout ça est parfaitement exact. J’insiste. Je suis en effet tout cela, et d’autres choses encore...

Et non seulement je suis un gauchiste archaïque et donneur de leçons (et fier de l’être. Et même que ça ne s’arrange pas avec l’âge...) en matière politique, mais je pousse le vice jusqu’à appliquer cette étroitesse d’esprit et cette intolérance dans mon relationnel immédiat. En clair : je fréquente d’abord et avant tout des gens qui sont d’accord avec moi. C’est à dire de gauche.

La vraie gauche, évidemment : je n’ai aucune relation avec des strausskahniens et autres sociaux-libéraux, même de loin. Je n’en connais pas, et ne souhaite pas en connaître, pas plus qu’en rencontrer. Les quelques spécimens que je "croise" sur Internet me crispent assez comme ça : je n’ai pas de temps à perdre avec des gens pareils (de plus, dans la catégorie "donneurs de leçons infatués d’eux-mêmes", ils me surpassent de trèèèèès loin, ceux-là...).

Et bien évidemment, je ne fréquente personne de droite. Beurk. Pouah. Beuuuh, rien que d’y penser...Quelle horreur. Qu’ai-je à dire à ces gens ? Qu’avons-nous à partager ? Rien. Nous n’avons rien à nous dire. Et je refuse de discuter, de "dialoguer", d’avoir des "débats citoyens" (cette foutaise des "débats citoyens"...) avec des personnes aussi diamétralement opposées à mes convictions.

Puisque, précisément, ce dont je suis en train de parler, c’est rien moins que de mettre ses convictions en actes ; et y compris dans sa vie de tout les jours. Et quand on a des convictions, quand on croit, ne serait-ce qu’un minimum, à ce qu’on pense et à ce qu’on fait, on est pas sympa. On est pas cool. On fait pas de l’amélipoulisme. En un mot, on refuse le consensus, cette saloperie idéologique dont il faudra bien un jour se rendre compte qu’il n’est que la grimace veule de la domination, puisque sont but n’est que de déconflictualiser les rapports sociaux, en faisant croire qu’on peut être d’accord avec tout le monde...

Ce qui au final ne fait que le jeu de la domination, qui voit ainsi sa contestation diluée dans ce gloubiboulga "citoyen" et "responsable". Quand on a des convictions, on est pas consensuel. On ne cherche pas à se faire des copains à tout prix. On exclut, on excommunie, on rejette, on fait le tri.

Par exemple, si je me dis anticapitaliste, je ne vais pas avoir d’amis qui sont dans la finance : c’est une question de cohérence. Pas plus dans le marketing, la comm’ ou la publicité, ces boulots de parasites qui vendent du vent et dont la fonction principale est de lisser la violence de la domination de classe, et de son corollaire, l’exploitation. Hors de question, je le répète, hors de question de frayer avec ces collaborateurs d’un système d’oppression, qui gagnent leur vie en chantant ses louanges !

Alors bien sûr, je vous vois venir. Vous allez me dire : "oui mais y’a des gens sympas partout ! Même dans ces milieux là ! Moi-même, j’ai un(e) ami(e) qui travaille dans la pub/le commerce/la comm’/le design, et c’est quelqu’un de très bien ! En plus, il/elle a voté Besancenot ! ’Tain, faut pas être con comme ça !" Moui... Et vous savez quoi ? Vous avez raison. Il y’a des gens sympas partout, dans tous les milieux. Sisi, c’est vrai. Je ne peux parler qu’en mon nom propre. Mais personnellement, j’ai fait des choix, et je m’y tiendrai. Et ces choix sont radicaux ; je les assume comme tels.

Alors, le gauchiste est-il asocial ? Oui et non. Et il y’a suffisamment de gens à gauche, qui partagent mes idées, et travaillent dans le social, l’éducation, la santé, la culture...pour que je ne me sente pas seul du tout. Et peut-être, peut-être... Qu’à gauche, on gagnerait beaucoup à ne plus être dans cette culture sirupeuse du compromis...Du "tout le monde a raison, quelque part, tu’ois...". Que se donner les moyens d’une reconquête ne passe pas par "l’ouverture d’esprit", mais bel et bien par le verrouillage des certitudes ; on avance pas en se demandant sans arrêt si on a raison de penser ce qu’on pense et d’être ce qu’on est... Peut-être même que si on veut "redevenir durs", il faudra bien se décider à fracasser l’idéologie du consensus. "Redevenir bornés", en somme."

Écrit dans une fureur enthousiaste par comité-de-salut-public à l’adresse :http://comite-de-salut-public.blogspot.com

mercredi 24 septembre 2008

MISERE DE LA CONDITION MILITANTE

MISERE DE LA CONDITION MILITANTE

par Patrick MIGNARD

Ce texte va me valoir les pires sarcasmes, y compris de la part de personnes que j’aime bien. Ce n’est pas contre elles que j’écris… quoiqu’elles ne le comprendront pas, mais bien au contraire pour elles et celles qui seraient tenter de les imiter. Par contre si ce texte peut porter un coup fatal aux bureaucrates parasites (inutile de citer des noms, regardez autour de vous… et surtout les médias) qui se nourrissent de l’énergie sans limite des honnêtes, mais naïfs, militants… il aura atteint son but.

Ce texte est dédié au/à la/ militant-e inconnu-e

Quand on regarde de près l’activité militante politique on ne peut qu’être surpris entre la quantité incroyable d’énergie généreusement dépensée et la maigreur des résultats obtenus. Sans pour cela vouloir appliquer les règles d’optimisation, chères à la gestion, à l’activité militante, un tel décalage mériterait d’être étudié.

Ce gaspillage inouï d’énergie, de temps et de moyens apparaît être une fatalité acceptée par celles et ceux là même qui en font les frais : les militant-e-s de base.

Il est question ici du « vrai » militant, celui qui est désintéressé, animé par des convictions réelles, sincères et qui n’utilise pas le militantisme comme le font les bureaucrates pour asseoir leur pouvoir, trouver une issue socialement favorable à leur médiocrité et leur couardise ou continuer dans des conditions optimales leur petites et grandes affaires plus ou moins maffieuses.

SYSIPHE…

Le militant est une sorte de nouveau constructeur de cathédrale… il érige un édifice avec sa sueur, bénévolement, pour la gloire d’une cause, en fait dans l’intérêt d’une classe parasite Plus on milite pour un « monde sans exploitation », plus on se fait exploiter par les bureaucrates que l’on sert… et l’on en est fier… et l’on accuse celles et ceux qui refusent cette situation, d’égoïstes, d’irresponsables et, le comble, d’inconscients ( ?)

Ce n’est plus « cent fois sur le métier remettez votre ouvrage », mais plutôt « mille fois », voire « dix mille fois ». La patience et l’abnégation du militant sont sans limite. Il a toujours une bonne raison dans son raisonnement pour expliquer son échec qui non seulement ne l’abat pas mais au contraire le ressource. Alors que l’échec l’aliène encore un peu plus, il croit au contraire que sa conscience se renforce. Il y a de la mortification dans cette attitude à l’image des croyants qui acceptent le malheur en hommage à la puissance de leur dieu qui les met à l’épreuve.

Le militantisme, tel qu’il est pratiqué aujourd’hui, est une forme de « mortification laïque » permettant de supporter l’échec permanent et de dire, surtout de se dire, que l’on a « malgré tout essayé »… Grandeur morale de l’impuissance ! Pouvoir rédempteur de la flagellation ! Il ne manquerait que les stigmates de la crucifixion !

Le militant a trop tendance à confondre la détermination dans les convictions et l’action et pertinence de la pratique politique. Ce n’est pas parce que l’on croit intensément en Dieu… qu’il existe…. Ce n’est pas parce que l’on va voter et faire voter pour la gauche,… ou autre chimère, que le changement de société va se produire… le militant lui, y croit dur comme fer… et ne pas y croire, pour lui, tient de l’hérésie…. Par contre y croire est un vrai sacerdoce !

Ainsi, le nombre de tracts distribués, d’affiches collées, de cartes placées ou de journaux vendus,… devient une chose considérable, voire essentielle. Cet essentiel doit d’ailleurs se muter en un autre chiffre, celui du nombre de voix obtenues par le ou la candidat-e. L’électorat devient ainsi une sorte de pactole, « peuple de fidèles », que l’on défend bec et ongles contre les prédateurs, les autres organisations… ne dit-on pas « nos électeurs ? » Une variation de quelques pourcentages prend une valeur inestimable… d’ailleurs le militant ne se contente plus des pourcentages au moment du scrutin, il lui faut des chiffres « avant » le scrutin, une simulation, une anticipation que fournissent aimablement les sondages le plus souvent manipulés… portant ainsi les fantasmes au plus au point. Il se dope véritablement à l’adrénaline électorale. On n’est pas loin de la drogue dure.

Le soir des élections c’est la transe… tout est apparemment possible. Pourtant, les jours, les mois, les années passant, les gouvernements changeant, la Droite remplaçant la Gauche et inversement,… rien ne change fondamentalement, voire la situation se dégrade. Alors le militant cherche et trouve des réponses : le contexte international, le retournement de conjoncture, la trahison des partenaires, le sabotage de l’opposition, l’attitude « irresponsable » des abstentionnistes… il n’ose tout de même pas aller jusqu’à soupçonner la Nature ou Dieu… Mais il a réponse à tout. Son courage jamais abandonné, qui est une forme de résignation, lui tient lieu de conscience. Cette certitude proche de la foi, loin de lui ouvrir les yeux, l’enferme et le verrouille dans son monde imaginaire. Fait de lui le moteur d’une autojustification qui lui ferme les portes de la compréhension de la réalité.

Le militantisme boucle sur lui-même. L’important n’est pas finalement le résultat, c’est d’avoir « bien milité ».

J’exagère ?

Mais comment expliquer l’engagement d’hommes et de femmes qui se sont dévoués pendant des années pour des résultats inexorablement remis en question… Pire, les avantages sociaux obtenus ont été dilapidés par les candidats qu’ils soutenaient !. Faut-il donner des exemples ?… Et pourtant ils continuent à soutenir les mêmes crapules qui les ont trahis, les trahissent et sont prêtes à recommencer à la prochaine occasion. Aveuglement ? Amour fou ? Sainteté ?

Celui qui baise la main de son bourreau n’est-il pas un saint ? S’il ne l’est pas il mérite de le devenir. Santo subito !

Le militantisme n’est pourtant qu’un instrument au service d’une cause. Lorsque l’on perd la cause de vue et que le militantisme devient une fin en soi, une manière d’être avant d’être une manière de devenir… alors il y a problème. Problème d’autant plus difficile à résoudre que le mal s’insinue sans prévenir et de manière indolore. Le militant sombre dans une activité qu’il est sûr de maîtriser mais dont il est parfaitement inconscient et dépendant. Il rationalise son attitude et sa démarche en confondant « fidélité » et « obstination », « « alternative » et « alternance », ou encore « marchandisation » et « libéralisme ». Ce qui est plus grave c’est que son statut de militant le convainc de l’inutilité de toute introspection, de toute prise de distance, bref de toute critique… s’enfonçant ainsi toujours plus dans l’erreur et finalement dans le sectarisme. Prendre du recul, se donner le temps de faire le point est impensable, c’est reconnaître, vis-à-vis de soi, mais aussi des autres, que les certitudes sont branlantes, pas sûres, qu’elles peuvent être remises en question… Ce qui est impensable. Il n’y a pas place pour le doute. Oser imaginer que l’on puisse se poser la question est déjà une trahison… en d’autre temps on aurait dit un sacrilège. Le doute ? Vade retro satanas !

… ET SON ROCHER

Sisyphe poussait son rocher, le militant lutte… c’est du moins ce qu’il dit, ce qu’il croit. Le terme « lutter » a d’ailleurs pris avec le temps une signification bien singulière. « Lutter » est devenu un terme « passe partout » qui a été vidé totalement de son sens. N’importe quel homme/femme politique lutte, même les sénateurs disent lutter… c’est dire la dégénérescence du terme. Faire une grève de vingt quatre heures, c’est lutter, appeler à voter untel, c’est lutter… Ne dit-on pas que l’ « Union est un combat » ?… quand on sait à quoi sert l’union et qui en profite !… Même le terme « union » a perdu son sens et ne signifie plus rien.

Curieusement, ce qu’a perdu la plupart du temps le militant, c’est le sens du combat, celui-ci s’est en effet confondu avec l’intérêt de l’organisation et les intérêts des bureaucrates qui la structurent et en profitent. Ainsi, la « victoire de la Gauche » est plus la victoire « en soi », de la Gauche que celle d’un projet de transformation sociale… car il est clair que la Gauche n’a jamais fait et ne procèdera jamais à une transformation des rapports sociaux. Voir son/ses candidat/s arriver au pouvoir, voilà l’objectif, de lutte ( ?), du militant…. Ce que les heureux élus feront du pouvoir est une autre affaire… qui ne rentre pas en ligne de compte pour leur engagement. La preuve ? Si c’était l’inverse il y a longtemps qu’il n’y aurait plus de militants dans les partis et organisations de gauche.

C’est là que, par une extraordinaire perversion de l’esprit humain intervient la notion de « fidélité », véritable laisse, chaîne qui lie le militant à son « maître ». La fidélité est une qualité humaine incontestable, mais comme toutes les qualités elle a son côté obscur. Comme l’éloquence, la ténacité, le courage, la fidélité n’a aucune valeur en soi, elle n’a de valeur qu’au regard de la cause qu’elle sert et de la pratique qu’elle détermine.

La « fidélité militante » tourne généralement à l’ « obscurantisme politique ». En effet, la perte de sens de la lutte alliée à l’adhésion affective à une organisation qui s’est bureaucratisée aboutit, génère une attitude d’une stupidité absolue qui fait du militant une marionnette qui se croit libre. Un militant, ou alors ils sont rares, est incapable de voir la « dérive » politique, bureaucratique de son organisation. Celle ou celui qui essaye de lui montrer passe pour un traître ou un adversaire. Vade retro satanas !-bis-

La fidélité pour le militant est l’équivalent du « patriotisme » d’autrefois : on se bat on ne sait pas trop pourquoi. On a un drapeau, on se bat pour lui… c’est ça l’essentiel. J’exagère ?

Il n’est qu’à voir les militants qui ont « ouvert les yeux » après des années de fidélité à leur organisation… C’est un véritable drame personnel. Ils ont perdu tous leurs repères… preuve qu’ils n’en avaient aucun en dehors de leur organisation…. Situation typique d’aliénation.

Aujourd’hui, le degré de dégénérescence et de déliquescence des organisations politiques est extrême. Repères de professionnels (élus, notables) d’incapables (faut-il citer des noms ?), d’imbéciles (faut-il citer des noms ?), d’arrivistes (faut-il citer des noms ?), voire d’escrocs (faut-il citer des noms ?), la plupart des organisations politiques structurent l’activité politique de ce que l’on appelle, sans rire, les « grandes démocraties ». Des millions de citoyens/nes, certes à défaut d’autre chose, leur confie leur avenir au travers d’élections formellement démocratiques mais, sur le fond, jouées d’avance. Les militants (de base) leur font confiance, aident à leur légitimation et les confortent dans leurs magouilles et pouvoirs.

Comme Sisyphe, le militant roule son rocher sur la pente de ce qu’il croit être le changement. Une fois qu’il croit avoir atteint son but, le rocher retombe et il recommence… indéfiniment.

Les conquêtes sociales obtenues à force de lutte sont incontestablement des acquis. Nombreuses sont celles et ceux qui ont lutté durement pour les obtenir. Mais soyons lucides, que va-t-il en rester dans cinq ans, dans dix ans,… du service public, des retraites, du temps de travail, de la législation du travail ?… Quelle a été au niveau de l’Histoire la portée de toutes ces conquêtes qui sont entrain de disparaître et pour lesquelles les politiciens et bureaucrates syndicaux nous font user nos semelles, inutilement, sur le pavé de nos villes ?

Paradoxalement, les militants ont rarement le sens de l’Histoire, ils l’ont généralement au travers de citations et de slogans milles fois répétés, d’ouvrages dont ils n’ont lu que quelques extraits et encore,… Finalement on pense pour eux… Ils n’ont qu’à adhérer à des courants, des tendances incarnées par des bureaucrates qui font et défont les idées dans les médias et dans l’organisation de congrès préfabriqués aux motions prédigérées. La « pensée politique » des partis est à la pensée, ce que Mac Donald est à la cuisine.

Ils ont bonne mine les militants des organisations de Gauche de se dévouer pour des partis qui n’ont eu de cesse ces dernières années de remettre en question tous ces acquis. De se dévouer corps et âmes pour des organisations qui n’aspirent qu’à une chose : parvenir au pouvoir… Mais pour y faire quoi ? Appliquer un programme ? Mais quel programme ? Et nous savons très bien qu’un programme n’est qu’un chiffon de papier entre les mains des hommes de pouvoir. Combien de fois faudra-t-il qu’ils se fassent avoir pour le comprendre une bonne fois pour toute.

Aucun programme, aussi précis, progressiste, sophistiqué, détaillé soit-il ne remplacera la pratique sociale de millions de citoyens décidés à changer les rapports sociaux. Or, de cette pratique, aucun politicien n’en veut, au contraire il fait tout pour maintenir le « citoyen-militant » dans une pratique infantilisante ou les promesses et les rappels à la fidélité tiennent lieu d’explication et de justification. Votez, on fera le reste ! Le militantisme est-il à proscrire ? Bien sûr que non, mais entendons nous sur ce que l’on appelle le « militantisme ». S’il s’agit d’une profession de foi telle que nous venons, sans exagération, de la décrire alors oui, il est à proscrire. Si le militantisme est une manière d’être citoyen, au sens originel du terme, une manière d’être critique par rapport à une situation, à toutes les situations, une manière de créer, d’adapter une pratique collective en vue du changement social,… alors OK, je suis partant.

Patrick MIGNARD

source :

indymedia Paris île de France : http://paris.indymedia.org/

jeudi 18 septembre 2008

« Je suis dans le poing et dans la plaie... Claude Cahun



« Je suis dans le poing et dans la plaie ;
je me reconnais ici, là et partout. »
Claude Cahun


Soit une définition du féminisme!
Humaine et Rebelle
Mais ce serait réduire la diversité des lectures...
Sémaphore

Non à l'excision - Tiken Jah Fakoly


3 millions de fillettes excisées chaque année
150 millions de femmes mutilées dans le monde
28 pays d'Afrique concernés par la pratique
Au Mali, plus de 90% de femmes concernées

Non à l'excision, Tiken Jah Fakoly - kewego

vu sur le féminin l'emporte le groupe ivoirien Tiken Jah Fakoly, présent lors de la fête de l'huma, dont Emelire nous invite à voir le clip, puisse son message être entendu pour que cesse enfin cette pratique.
Le respect de l'individu prévaut à l'observance de toutes traditions pour le moins barbares!


Non à l'excision, texte de Magyd Cherfi (Zebda),
musique de Geoffrey Oryema, tourné et réalisé au Mali par Jessy Nottola.

Avec le soutien de l'ONG belge RESPECT http://respect-ev.org

La fête de l'Humanité vient de se terminer. par Calamity Jack

La fête de l'Humanité vient de se terminer.

Chaleureuse, fraternelle, bigarée, pétillante, elle a rassemblée 600 000 personnes. C'est une fête à la Prévert, pleine d'inventivité, de générosité. C'est une fête du livre (il y en a partout) et des artistes. C'est une fête africaine, maghrébine, cubaine, viietnamienne.... un vrai village du monde brassant sourires et bonne humeur, d'Angela Davis aux potes à Mandela et à la palestine.Un moment de fraternité rare, unique par son ampleur. C'est un foisonnement festif de débats politiques, animés par des communistes, dans des confrontations et des échanges larges et ouverts, qui donne l'image exemplaire de ce que pourrait être une vraie démocratie. Et donc c'est une formidable espérance pour une vraie politique de gauche.
De cela, nos médias n'en disent rien, trop occupés à relayer l'homélie obscurantiste d'un pape menant croisade contre l'émancipation humaine et la liberté de pensée et à pourchasser ses chrétiens progressistes.
Trois images sur la fête, trois mots tirés de leur contexte qui ne veulent plus rien dire.
De ce foisonnement d'idées et d'échanges, rien.
Du discours de Marie-Georges Buffet, abordant l'augmentation des salaires, la casse du secteur public, la défense des sans papiers, la dénociation du fichier Edvige discriminant gays, personnes malades, syndicalistes, pacifistes,militants de gauche et des droits de l'homme, libres penseurs de toute sorte, vous ne saurez rien.
De ses positions pour défendre la palestine, la bolivie, le vénézuela ou pour le retrait des troupes d'Irak pas davantage.

Je vous invite donc, si cela vous chante, à en prendre connaissance pour mesurer la distance abyssale entre ce que disent les médias et la réalité des faits .
Assertion exagérée?
En langage journalistique, on appelle cela vérifier l'info en allant à la source. C'est la base de la démarche d'investigation. Ouvrez cette belle page d'Humanité sur : http://www.pcf.fr/ d'un clic sautez dans l'action pour exercer sa si précieuse liberté de pensée.et profitez-en également, si vous aimez le mouvement, pour visiter les allées de la fête car je sais que nombreux sont ceux qui souhaitaient s'y rendre ou ont la curiosité de la connaître.

Belle journée ensoleillée et musicale à tous.
Rabbi Jacot, c'est mon nom de code en résistance car je suis poursuivi par Edvige!

Calamity Jack

samedi 13 septembre 2008

VERSUS



Versus du féminisme
à lire "Pépite" masculiniste
http://perrinesexprime.canalblog.com/archives/2008/09/12/

(ajouts)

vendredi 12 septembre 2008

L'âge des possibles [extrait, reprise "Rêves secrets d'un Prince et d'une Princesse"]



Délicieuse reprise de cette chanson extraite de "Peau d'âne".

Des mouvances du coeur où toute la palette des émois amoureux se lisent, s'expriment, se devinent, se répondent, font ricocher, se déploient de la toile à notre intime, Pascale Ferran en signe ici le portrait tendre, délicat, tour à tour léger et poignant, sur le fil.

sémaphore

jeudi 11 septembre 2008

Conseil national de la Résistance, grève générale le 10 novembre 08

Face à la destruction généralisée de nos conditions de vie et d’avenir et contre la suppression de nos acquis sociaux et la privatisation de la sécurité sociale, nous devons organiser, non pas une de ces énièmes grèves inefficaces d’un jour, mais une riposte à la hauteur de l’agression du gouvernement Sarkozy qui mène de plus en plus de gens dans la précarité…

Il est temps de se montrer que tous ensemble, travailleurs, chômeurs, syndicats, étudiants, organismes de lutte contre les discriminations, contre le racisme, non syndiqués...bref, le peuple!

Il est temps de crier notre refus d'une politique inacceptable dans tous les domaines par une grève générale reconductible qui se déroulera le 10 novembre 2008 dans toute la france.

prochaines réunions
http://www.conseilnationaldelaresistance.fr/post/2008/08/27/Premieres-reunions-de-rentree

Paris:
Une réunion aura lieu à Paris le 20 septembre à 17H00, metro bourse (ligne 3) rue de la Banque, pour parler de convergences des luttes et surtout du 10 novembre.
Cette réunion est à l'initiative d'ADR, le CDR 92 s'y associe ainsi qu'Ensemble Contre Sarkozy et l'association soutien O sans papiers. Des gens de toutes la France viendront n'hésitez pas à venir tous et toutes, à faire venir tous les groupes, collectifs, mouvements, comités,..., possibles.

Une autre réunion, du CnR 34, pour la préparation du 10 novembre 2008 aura lieu jeudi 18 septembre à partir de 18h à Béziers, au local de la CIMADE, salle de "la Cour des miracles", au 14 rue de la rotonde...

Appel à la constitution des CnR départementaux et rejoignez le comité le plus proche de chez vous:


Copiez/collez partout ce billet du www.conseilnationaldelaresistance.fr

Je me marierai avec Anna ou Mère contre fille par Blandine Longre

...ou ne pas se soumettre aux désirs qui ne sont les nôtres ! semaphore

Mère contre fille par B. Longre


source : http://www.sitartmag.com/thierrylenain.htm

L'enfance, terrain de prédilection de Thierry Lenain, n'est pas seulement un thème en soi et reste aussi un tremplin pour mieux comprendre ou explorer certains tabous ou non-dits ; ainsi, ses albums ou ses récits sont destinés d'abord aux enfants mais aussi aux adultes qui les entourent. Après un ouvrage peu banal publié par les éditions Sarbacane (H.B., 2003) et dans la collection Première lune, Bouboule rêve (Nathan, 2003), une histoire qui osait aborder un sujet délicat (l'obésité d'un enfant), l'auteur met en scène un mini drame familial, un tournoi verbal et affectif qui se déroule entre Cora, une petite fille entêtée, rêveuse et pragmatique tout à la fois, et ses parents, un peu déstabilisés par les projets maritaux hors normes de leur fille...

La mère de Cora ne cesse de la taquiner, sans délicatesse, au sujet de celui qu'elle croit être l'amoureux de sa fille : Bastien, un petit binoclard, "un nul, c'est un garçon" décrète Cora ; "mignon, bien élevé et tout le reste, en un mot : parfait." de l'avis de la maman — dont l'attitude, certes gentiment moqueuse, révèle cependant une volonté oppressante de soumettre sa petite fille à ses propres désirs de mère. Une tentative qui échoue quand Cora affirme son désir à elle et rejette le "moule" proposé par sa maman ; à la question "Quand tu seras grande, avec qui te marieras-tu ?" Cora réplique : "Je me marierai avec Anna". Après un moment de stupéfaction, la mère de Cora répond par le rire ("mais Anna est une fille !"), puis passe de l'exaspération à la colère, mêlant alors le papa à cette discussion tendue. Ce dernier entreprend de raisonner sans se fâcher et, terre à terre, explique à sa fille qu'elle ne pourra pas avoir de bébé si elle choisit de vivre avec une autre fille... Mais Cora, qui veut avoir le dernier mot, explique de façon encore plus pragmatique : "Je ferai un bébé toute seule. Anna aussi. On habitera la même maison et..." La réaction violente, primaire mais sincère de ses parents la surprend et elle est priée de "filer" dans sa chambre... Les illustrations d'Aurélie Guillerey, aux tons pastels, très douces, s'accordent bien au texte et les divers sentiments qui traversent les personnages s'affichent subtilement sur les visages.

Ce récit, ponctué des commentaires de la jeune narratrice marqués au coin du bon sens, n'est pas une apologie de l'homosexualité (même si la décision de la petite semble inébranlable, on sait qu'elle a le temps de changer d'idée... ou non ! et l'auteur ni ne condamne ni ne fait l'éloge de ce choix), mais la "morale" va bien au-delà de la simple révélation que fait Cora à ses parents : Thierry Lenain nous plonge dans les complexités du désir humain et les tensions qui régissent les relations entre parents et enfants. La figure maternelle esquissée ici est assez dérangeante ; mais les préjugés du personnage sont contrebalancés par la forte volonté d'une petite fille qui n'a pas l'intention de se soumettre à des désirs qui ne sont pas les siens.

À travers cette petite histoire, l'auteur montre comment les parents cherchent (inconsciemment ou non) à parfois imposer leurs propres rêves à leurs enfants, souhaitant naturellement les modeler à leur image ; mais il décrit aussi comment les enfants échappent à leurs géniteurs, en construisant d'autres projets, parfois bien éloignés de ce que leurs parents ont prévu à leur place...
Chacun des personnages reste sur sa position initiale et le récit n'apporte aucune solution toute faite, une façon de laisser le choix au lecteur tout en l'obligeant à réfléchir et à s'impliquer ; mais au moins, un grand pas a été fait : les choses ont été formulées par les deux parties adverses, le conflit est passé par le crible salvateur du langage et inscrit dans un ouvrage destiné à être lu, approfondi, et partagé.

Blandine Longre (avril 2004)

Je me marierai avec Anna de Thierry Lenain & Mireille Vautier

illustrations Aurélie Guillerey, collection Première Lune, Nathan 2004

pour les 5-7 ans

[Ajout : autre critique par Lionel Labosse sur altersexualité.com/HomoEdu]

Un album pionnier

lundi 30 avril 2007, par Lionel Labosse

Un des premiers albums à évoquer la perspective, pour une petite fille, de faire autre chose de sa vie que de se marier avec un garçon.

Voir en ligne : Site de Thierry Lenain

Résumé

La mère de Cora veut toujours savoir si elle a un amoureux. Elle veut lui flanquer le fameux Bastien, pour la simple raison qu’elle est amie avec sa mère. « Un jour, pour qu’elle arrête de m’énerver, je lui ai dit la vérité. […] — Quand je serai grande, je me marierai avec Anna. »

Lire la suite ici http://homoedu.free.fr/spip.php?article176

Les couloirs de la vie



Illustration de Nathalie Novi


Ce drame qui a bouleversé ma vie est toujours en moi.
Parfois, ce
souvenir douloureux m’envahit et c’est comme un coup de poignard ; d’autres fois, c’est comme des lueurs mortes qui m’embrument l’esprit.
J’en ai tellement pleuré que mes yeux sont
secs, mon corps est vide de larmes.
Quel dommage ! Les larmes
c’est chaud, ça réconforte.

Une nouvelle de Linda Baaziz (15 ans) dédiée par son auteure aux femmes et aux enfants victimes d’abus sexuels, écrite en 1998 dans le cadre d'un atelier d'écriture du Collège Jean Moulin d'Alès accompagné par Thierry Lenain.

http://thierrylenain.free.fr/blog/linda.pdf


Les mains devraient protéger pas frapper [pétition]


Pétition :
http://www.coe.int/t/transversalprojects/children%5CSignatureOnline/form_fr.asp

Dans la plupart des pays européens, la société tolère, et même approuve, certaines formes courantes de violence à l’égard des enfants, notamment celles infligées dans le cadre familial.

Toutefois, aucune religion, croyance, situation économique ou méthode «éducative» ne saurait justifier coups, gifles, fessées, mutilations, mauvais traitements, humiliations ou toute autre pratique portant atteinte à la dignité de l’enfant. Les instruments internationaux des droits de l’homme reconnaissent aux enfants le droit à une protection contre toutes les formes de violence, notamment les châtiments corporels, et ceci dans tous les environnements (maison, école, établissements pénitentiaires, structures d’accueil alternatives).

Châtiment corporel ...

Rien ne peut justifier la violence à l'égard des enfants




"Je suis contre la violence hypocritement appelée éducative. C’est donner un signal social que la violence physique au sens large est légitime en famille, cela rejaillit sur la réalité : les enfants sont les premières victimes de la violence familiale ..."
Emelire


La Protection de l'enfance Tél : 119

Allô Enfance Maltraitée a été créé par une loi relative à la protection de l'enfance.
Mais au fait, qu'est-ce que la protection de l'enfance ? Est-ce que les enfants sont vraiment protégés ?

Pour en savoir plus, nous proposons de partir à la découverte de ce dispositif.
Pour cela, il suffit de sélectionner la rubrique qui vous intéresse.

La convention internationale des droits de l'enfant

La protection de l'enfance, c'est quoi ?

Adresses d'associations pour en savoir plus

En danger, un numéro pour en parler le 119

mercredi 10 septembre 2008

Le meilleur de l’Europe pour les femmes

« Pour l’instant, cette Union européenne a un caractère assez néolibéral, mais au lieu de nous contenter de jérémiades, nous devons nous atteler à participer au façonnement concret de cette réalité. Le projet de la clause de l’Européenne la plus favorisée est un outil splendide pour construire cette Europe tout en développant des aspects qui, s’ils auront une incidence certaine sur le marché et l’économie, partiront des femmes, c’est-à-dire des citoyennes, mettant au centre les êtres humains. C’est un outil politique qui nous permet de travailler de l’extérieur vers le centre, de reproduire de bonnes pratiques existantes et éprouvées. »

Elfriede Harth (Allemagne), représentante en Europe de Catholics For a Free Choice.

« Je pense que ces règles devraient être formulées par les femmes elles-mêmes, car les lois existantes ne peuvent jamais être les meilleures possibles. Par exemple, l’idéal serait de ne pas avoir de loi sur l’avortement du tout, et de le considérer comme une procédure médicale normale couverte par les lois et règles sur la médecine dans chaque pays. »

Rebecca Gomperts, présidente-fondatrice de Women on Waves, association néerlandaise qui pratique des avortements sur un navire stationné dans les eaux internationales au large des pays où l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est interdite.

« Souvent, les bonnes lois, bien qu’essentielles, ne suffisent pas à améliorer la condition des femmes : elles finissent par rester lettre morte si elles ne s’accompagnent pas de changements profonds dans les rapports sociaux. Nous vivons un moment très critique de l’histoire, qui est une régression par rapport au XXe siècle. Cela ne vient pas seulement de nos gouvernements mais de la société elle-même, et il est nécessaire de repartir de là. Il ne suffit pas de conquérir la majorité dans les Parlements pour obtenir les meilleures lois : il convient avant tout de reconquérir l’âme et l’imagination des femmes. »

Luciana Castellina, cofondatrice du quotidien Il Manifesto, ancienne députée du Parti communiste italien (PCI) et de Rifondazione Comunista.

« Comparer les lois dans tous les pays de l’Union européenne est un travail très important. Mais, même si la loi espagnole sur la violence contre les femmes, par exemple, est l’une des meilleures en Europe, il me semblerait judicieux de faire de la clause de l’Européenne la plus favorisée un exemple de loi idéale, une sorte de “rêve devenu réalité” qui considérerait tous les aspects d’un point de vue féministe. »

Tanja Auvinen, secrétaire générale de Nytkis, coalition des associations féministes finlandaises.

Les enfants de Stonewall « Affinités électives » émission gay et lesbienne sur radio libertaire

présentation de l’émission

Les affinités électives

2ème jeudi du mois de 19 h 30 à 21 h 00

Cette émission, assurée par Catherine et Geneviève (et parfois Sophie à la technique) est consacrée à l’expression des lesbiennes et des gais au sein de Radio libertaire.

Créée par Gil Cerisay dans les années 84-85 sous le nom « Fruits de la passion », reprise par Cathy Itak avec le titre « Flagrants désirs », elle est animée depuis 5-6 ans par l’équipe actuelle sous le nom « Les affinités électives ».

C’est une émission d’informations, de paroles, de ce qu’on appelle généralement "la communauté lesbienne et gaie", mais en la prenant au sens le plus large, donnant la priorité à la créativité de chaque individu-e et à sa capacité à inventer et trouver son mode relation amoureuse et sexuelle à l’autre.

La philosophie de base, si l’on peut dire, est que les êtres humains, dans leurs ressemblances, ont droit à leurs différences, et qu’il faut lutter pour la liberté de l’orientation amoureuse et sexuelle, autant que contre le sexisme, le racisme, l’intégrisme et toutes les formes dogmatiques de pensée qui mettent en cage et étouffent les potentialités humaines.

Une société ne peut que s’enrichir de cette composante, qui, en cascade, remet en cause les modèles imposés comme le patriarcat, la famille, le mariage et propose de nouvelles réflexions et formes de vie.

L’émission « Les affinités électives » offre parfois le micro à d’autres groupes et vous informe d’événements qui pourraient sembler s’écarter du thème principal quand, précisément, ils nous paraissent s’en approcher. Dans une société libre et libertaire, toutes les luttes contre les oppressions sont solidaires, même si chacune a ses spécificités

Geneviève et Catherine

Les enfants de Stonewall « Affinités électives »

(19 h 30) Emission gay et lesbienne Par Geneviève Pastre et Bruno Bisaro (2ème jeudi du mois).

L'HEPTALOGUE : MERCREDI par Charly Dupuis & Benjamin Choisnard

mardi 9 septembre 2008

Parle, c’est notre seul espoir...Le dictateur Charlie Chaplin

The Great Dictator USA, 1940

Schulz :

Parle, c’est notre seul espoir.

Le barbier :

Espoir... Je suis désolé, mais je ne veux pas être empereur, ce n’est pas mon affaire. Je ne veux ni conquérir, ni diriger personne. Je voudrais aider tout le monde dans la mesure du possible, juifs, chrétiens, païens, blancs et noirs. Nous voudrions tous nous aider si nous le pouvions, les êtres humains sont ainsi faits. Nous voulons donner le bonheur à notre prochain, pas lui donner le malheur. Nous ne voulons pas haïr ni humilier personne. Chacun de nous a sa place et notre terre est bien assez riche, elle peut nourrir tous les êtres humains. Nous pouvons tous avoir une vie belle et libre mais nous l’avons oublié.

L’envie a empoisonné l’esprit des hommes, a barricadé le monde avec la haine, nous a fait sombrer dans la misère et les effusions de sang. Nous avons développé la vitesse pour nous enfermer en nous-mêmes. Les machines qui nous apportent l’abondance nous laissent dans l’insatisfaction. Notre savoir nous a fait devenir cyniques. Nous sommes inhumains à force d’intelligence, nous ne ressentons pas assez et nous pensons beaucoup trop. Nous sommes trop mécanisés et nous manquons d’humanité.

Nous sommes trop cultivés et nous manquons de tendresse et de gentillesse. Sans ces qualités humaines, la vie n’est plus que violence et tout est perdu.

Les avions, la radio nous ont rapprochés les uns des autres, ces inventions ne trouveront leur vrai sens que dans la bonté de l’être humain, que dans la fraternité, l’amitié et l’unité de tous les hommes.

En ce moment même, ma voix atteint des millions de gens à travers le monde, des millions d’hommes, de femmes, d’enfants désespérés, victimes d’un système qui torture les faibles et emprisonne des innocents.

Je dis à tous ceux qui m’entendent : Ne désespérez pas ! Le malheur qui est sur nous n’est que le produit éphémère de l’habilité, de l’amertume de ceux qui ont peur des progrès qu’accomplit l’Humanité. Mais la haine finira par disparaître et les dictateurs mourront et le pouvoir qu’ils avaient pris aux peuples va retourner aux peuples. Et tant que des hommes mourront pour elle, la liberté ne pourra pas périr. Soldats, ne vous donnez pas à ces brutes, à une minorité qui vous méprise et qui fait de vous des esclaves, enrégimente toute votre vie et qui vous dit tout ce qu’il faut faire et ce qu’il faut penser, qui vous dirige, vous manœuvre, se sert de vous comme chair à canons et qui vous traite comme du bétail.

Ne donnez pas votre vie à ces êtres inhumains, ces hommes machines avec une machine à la place de la tête et une machine dans le cœur.

Vous n’êtes pas des machines.

Vous n’êtes pas des esclaves.

Vous êtes des hommes, des hommes avec tout l’amour du monde dans le cœur.

Vous n’avez pas de haine, sinon pour ce qui est inhumain, ce qui n’est pas fait d’amour.

Soldats ne vous battez pas pour l’esclavage mais pour la liberté.

Il est écrit dans l’Evangile selon Saint Luc « Le Royaume de Dieu est dans l’être humain », pas dans un seul humain ni dans un groupe humain, mais dans tous les humains, mais en vous, en vous le peuple qui avez le pouvoir, le pouvoir de créer les machines, le pouvoir de créer le bonheur. Vous, le peuple, vous avez le pouvoir, le pouvoir de rendre la vie belle et libre, le pouvoir de faire de cette vie une merveilleuse aventure.

Alors au nom même de la Démocratie, utilisons ce pouvoir. Il faut tous nous unir, il faut tous nous battre pour un monde nouveau, un monde humain qui donnera à chacun l’occasion de travailler, qui apportera un avenir à la jeunesse et à la vieillesse la sécurité.

Ces brutes vous ont promis toutes ces choses pour que vous leur donniez le pouvoir : ils mentaient. Ils n’ont pas tenu leurs merveilleuses promesses : jamais ils ne le feront. Les dictateurs s’affranchissent en prenant le pouvoir mais ils font un esclave du peuple.

Alors, il faut nous battre pour accomplir toutes leurs promesses. Il faut nous battre pour libérer le monde, pour renverser les frontières et les barrières raciales, pour en finir avec l’avidité, avec la haine et l’intolérance. Il faut nous battre pour construire un monde de raison, un monde où la science et le progrès mèneront tous les hommes vers le bonheur. Soldats, au nom de la Démocratie, unissons-nous tous !

...

Hannah, est-ce que tu m’entends ? Où que tu sois, lève les yeux ! Lève les yeux, Hannah ! Les nuages se dissipent ! Le soleil perce ! Nous émergeons des ténèbres pour trouver la lumière ! Nous pénétrons dans un monde nouveau, un monde meilleur, où les hommes domineront leur cupidité, leur haine et leur brutalité. Lève les yeux, Hannah ! L’âme de l’homme a reçu des ailes et enfin elle commence à voler. Elle vole vers l’arc-en-ciel, vers la lumière de l’espoir. Lève les yeux, Hannah ! Lève les yeux !

lundi 8 septembre 2008

Racisme et préférence pour l’identique : du clonage culturel dans la vie quotidienne par Philomena ESSED

Racisme et préférence pour l’identique : du clonage culturel dans la vie quotidienne

Philomena ESSED

Traduit de l’anglais par Brigitte Marrec

Ceci est une version revue et abrégée de l’article « Rasism och preferens för

sammahet : om kulturell kloning i vardagslivet », publié dans K. Mattsson and I.

Lindberg (eds.), Rasismer i Europa – kontinuitet och förändring (Racisms in

Europe – Continuity and Change), 2004, Stockholm, Agora, pp 78-107.

source : http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=AMX_038_0103


Dans cet essai, j’envisage le problème du racisme sous trois

angles : du point de vue de ses manifestations dans la vie quotidienne

d’abord, du point de vue du genre ensuite, et pour finir, comme

instrument de clonage culturel. La première approche montre que les

exclusions et les humiliations raciales et ethniques font système et se

manifestent dans les pratiques les plus courantes de la vie de tous les

jours. Le racisme au quotidien est un phénomène banal, qui s’exprime

le plus souvent non pas en termes de « race », mais renvoie à de préten-

dues insuffisances liées à la culture et à l’origine ethnique. Et comme il

est communément admis que seuls relèvent du racisme les propos les

plus abrupts du genre « les-noirs-sont-d’une-race-inférieure », le

racisme au quotidien n’est que très rarement dénoncé. De plus, le refus

répété de reconnaître la nature raciste de certains propos est en lui-

même une forme non négligeable de racisme au quotidien (van Dijk

1993). Le deuxième angle d’approche fait apparaître que le racisme

opère en liaison étroite avec d’autres systèmes ordonnateurs de la

société et à travers eux, des systèmes tels que le genre, le statut socio-

économique, l’identité nationale, l’aptitude physique (Brah 1996 ;

Yuval-Davis 1997 ; Markus 2002). Dans cette partie, je m’intéresse sur-

tout au rapport entre racisme et genre, ce que j’ai appelé le racisme

genré (Essed 1996). Les concepts de racisme au quotidien et de racisme

genré permettent tous deux de comprendre comment la différence

ethnique et raciale est construite, problématisée, pathologisée puis

utilisée pour marginaliser l’Autre (dans ses dimensions raciales,

ethniques et genrées).

Ceux qui dénoncent les injustices de l’exclusion appellent souvent

à prendre des résolutions et des contre-mesures qui permettraient

d’inclure la différence sur un plan d’égalité. Or les luttes pour plus de

justice sociale (entre les « races », les sexes, les situations

économiques…) ont été entamées il y a longtemps, mais n’ont guère

permis d’inclure l’Altérité en l’affranchissant de sa relégation aux

marges. Les notions habituellement utilisées pour traiter de l’inclusion

de la différence sont la tolérance, la participation institutionnelle,

l’égalité, l’équité et la diversité. Aucun de ces concepts ne problématise

de manière satisfaisante l’autre côté de l’exclusion, c’est-à-dire celui de

l’inclusion au quotidien qui se produit sur la base d’un identique (perçu

comme tel) – d’une appartenance définie par des constructions

imaginaires qui postulent à tort des homogénéités de « races », de

cultures et de sexes. De plus, comme je le montre au cours de cet essai,

se focaliser sur l’inclusion de l’Altérité a pour conséquence de

minimiser un problème sous-jacent pourtant intimement lié au

problème de l’inclusion : à savoir que l’injustice sociale, ce n’est pas

seulement l’exclusion de l’Altérité ; c’est aussi l’inclusion sélective, et

surtout l’inclusion de plus de même. C’est cette idée et cette pratique de

la préférence pour l’identique que j’ai appelées clonage culturel. Cette

notion de clonage culturel, à laquelle je consacre la plus grande partie

de mon article, me permet d’envisager le racisme comme instrument de

clonage de positions et de sphères privilégiées, seules accessibles à qui

remplit un certain nombre de critères : être un homme (se revendiquant)

blanc, physiquement apte, de statut social élevé et de la bonne

nationalité.

Le clonage au sens culturel est un concept nouveau (Essed 2002)

qui trouve son origine dans les exigences sociétales de la modernité et

en est le produit. Dans la mesure où la « race » et le genre sont

constitutifs de la modernité (Goldberg 2001), la culture du clonage se

retrouve dans la construction d’espaces privilégiés (en termes de

« race », d’ethnicité, de sexe et de statut social) qui profitent des

retombées et des valeurs des marqueurs-clés de la modernisation :

mondialisation, haute technologie, consommation de masse et

productivisme (Essed et Goldberg 2002).

Parallèlement au clonage culturel, et en liaison avec lui, se déve-

loppent également des tendances qui s’opposent à ces forces d’homogé-

nisation. De plus, les systèmes de valeurs et de technologies spécifiques

(dont les systèmes forgés par le clonage culturel font partie) produisent

aussi leurs propres modes d’opposition. Ainsi, grâce aux technologies

de communication rapide, ceux qui travaillent sur le racisme peuvent se

mettre en rapport les uns avec les autres, s’épauler, partager le savoir,

les idées, la colère et les stratégies d’opposition au racisme quotidien.

Ce qui nous amène au premier angle d’approche.


Le racisme au quotidien

Il y a quelques années, une jeune femme d’Afrique du Sud, à

l’époque étudiante dans une université de Suède, a pris contact avec

moi par internet. Un sentiment de marginalisation raciale l’oppressait

sans relâche, sans qu’elle puisse trouver « nulle part où y échapper »,

selon ses propres termes ; elle avait eu l’occasion de lire mes publica-

tions sur le racisme au quotidien et voulait me faire partager son expé-

rience. Il y eut un échange de courriels. L’invisibilité des femmes

noires dans la théorie, la littérature et la vie universitaire l’indignait et

l’attristait. Déterminée à ne pas se laisser marginaliser en tant qu’étu-

diante femme et noire, elle décida de prendre le problème à bras le

corps et de consacrer sa thèse au racisme dans le monde universitaire.

Elle s’entendit alors dire par son directeur, que la nature « militante »

de son texte pourrait « poser problème ».

Il n’est pas rare que la lutte contre le racisme soit découragée, voire

réprimée ; au contraire, cette tendance est plutôt symptomatique du déni

général du racisme en Suède et dans d’autres pays européens (de Los

Reyes 2001). Cette étudiante a quitté la Suède, ayant obtenu un poste en

Australie où elle se sentait plus libre de mener à bien ses recherches et

sa lutte contre le racisme…

Et puis l’autre jour, tout à fait par hasard, je trouve sur internet une

référence à un ouvrage intitulé Discrimination à l’Université en Suède :

ethnicité, « race », culture et relativité de la loi, d’Ingrid Tufvesson

(Tufvesson 2001). C’était elle !

Les instruments de répression peuvent inclure des réponses d’auto-

rité (mort, violence, emprisonnement) tout comme des formes plus

douces (harcèlement dans les media, moqueries, isolement au sein de

ses pairs) (Essed et Goldberg 2002b). Intimidations quotidiennes et

appels à la tolérance peuvent aller de pair, et faire ainsi accroire que la

tolérance est l’antidote du racisme ; que le racisme relève de l’idéologie

plutôt que de la pratique ; et que le racisme ne peut qu’être un mythe

puisque la « race » n’est pas un concept biologique. En pratique, la

tolérance se transforme souvent, si ce n’est toujours, en indifférence

vis-à-vis de la discrimination, ou en absence de réaction lorsque des

commentaires insultants sont proférés à l’encontre de groupes raciaux

ou ethniques, ou que des actes de discrimination sont commis

insidieusement, ou que préférence est donnée en toute bonne

conscience à ceux qui affirment être de vrais Européens, qui affirment

être des Hollandais authentiques, des Allemands authentiques, des

Français authentiques, ou des Italiens authentiques. Le terme

« authentique » correspond généralement au fait d’être blanc, et d’avoir

un sentiment d’appartenance à une nation – construction de

l’homogénéité en rapport avec le langage, la religion, la culture, la

nation, le sentiment d’appartenance géographique (Balibar 1991 ;

Oommen 1997).

Pourquoi distinguer le racisme du racisme au quotidien ? Le

racisme au quotidien ne renvoie pas à des actes extrêmes ou excessi-

vement violents. Sa caractéristique principale est de pouvoir se produire

à tout moment, dans les situations les plus diverses, de manière

répétitive, à l’improviste. Il fait partie intégrante des micro-événements

de la vie de tous les jours, ne s’identifie pas aisément, et pris isolément,

ne semble guère avoir d’importance. Mais l’accumulation de ces inci-

dents provoque des traumatismes sociaux, économiques et émotionnels,

et finit par devenir un fardeau dont il est impossible de se défaire, voire

même un risque pour la santé psychologique et physique de l’individu

(Fulani 1988 ; Jackson 1996). Relèvent du racisme au quotidien les

refus à répétition, l’exclusion, les humiliations fondées sur des caracté-

ristiques de phénotypes ou de cultures qui trouvent souvent leur

justification dans une prétendue supériorité morale et culturelle de « la

race blanche » et de « l’Occident » sur « les autres », à savoir la vaste

majorité du monde.


Le racisme genré

Ni la « race », ni l’ethnicité ne sont neutres du point de vue du

genre ; au contraire, elles intègrent des aspects concernant le masculin

et le féminin qui varient selon les « races » et les ethnies. Le racisme est

intimement lié au genre et renvoie à des constructions où s’imbriquent

la « race », l’ethnicité et le genre : c’est ce que j’ai appelé le « racisme

genré » (Essed, 1991), concept qui a été utilisé et approfondi dans un

certain nombre de travaux (Benokraitis 1997 ; St. Jean et Feagin 1998).

La manière dont est perçue la sexualité hétérosexuelle des Asia-

tiques et des Africains en est un excellent exemple. Les idéologies et les

histoires spécifiques à chaque groupe ethnique ont un impact sur la

façon dont les hommes et les femmes sont sexualisés et pathologisés.


Les Européens pensent généralement que les Africains jouissent d’une

virilité hors du commun, que les Africaines multiplient les partenaires,

que les Asiatiques sont passives et exotiques, et les femmes des com-

munautés musulmanes atrocement exploitées. Le sentiment anti-

islamique se manifeste dans la diabolisation des cultures musulmanes

qui sont dénoncées comme hyper-sexistes, alors que sont minimisées,

dans les cultures Européennes, la persistance de la violence (sexuelle),

du plafond de verre et d’autres formes d’exclusion (Salih 2000). Cette

influence qu’ont les images racistes sur la critique du genre peut poser

problème aux femmes de couleur qui se battent pour la libération des

femmes. Ainsi se trouvent-elles prises au piège, lorsque les luttes

qu’elles mènent de l’intérieur, contre les abus physiques et les con-

traintes sociales imposées par leurs propres communautés, sont défor-

mées, de l’extérieur, par des propos racistes qui affirment, par exemple,

que le « voile » symbolise les rapports sociaux de sexes « d’un autre

temps » caractéristiques des cultures musulmanes. L’alternative qui

consisterait à ne rien dire contre la communauté aurait pour effet de

légitimer la subordination des femmes dans leurs propres cultures.

La thèse qui soutient que les cultures et les catégories sociales ne

sont pas homogènes et que les systèmes de domination sont imbriqués

les uns dans les autres, gagne du terrain auprès des spécialistes des

questions de « race » et de genre (Crenshaw 1991 ; Harding 1993 ;

Yuval-Davis 1997 ; Collins 1998 ; Gilman 1999 ; McClaurin 2001 ;

Twine and Blee 2001 ; Essed et Goldberg 2002 ; Goldberg et Solomos

2002 ; Essed et Goldberg 2002b). Mais dans le domaine de la pratique,

il y a encore beaucoup à faire. Les politiciens, les décideurs et les

penseurs dominants s’en tiennent à des différences tranchées et à des

catégories hermétiques lorsqu’ils abordent les questions d’équité : les

femmes (la catégorie de référence sous-entendue étant les femmes

blanches); les « minorités ethniques » (la norme implicite étant : les

hommes) ; les « handicapés » (nécessairement blancs), etc.


Le clonage culturel

La discrimination positive, la formation à la diversité culturelle, les

programmes de lutte contre le racisme, les exigences nouvelles concer-

nant l’intégration du genre ou la diversité, ont peut-être fait diminuer

les formes les plus patentes de pratiques discriminatoires, mais n’ont

pas fait disparaître les discriminations fondées sur le sexe, la « race »,

l’ethnicité. Ni la discrimination positive, ni l’action positive, ne

tiennent compte du fait qu’une femme ou un individu de couleur ne

sont pas seulement en concurrence avec d’autres candidats, mais

doivent aussi lutter contre des images collectives négatives en termes de

sexe, de « race » et d’ethnicité, dans un contexte où les compétences

attribuées au masculin et à la couleur blanche sont sur-évaluées. Les

profils recherchés, surtout pour les postes à haute responsabilité, que ce

soit dans le public ou dans le privé, sont surtout ceux qui répondent aux

critères de « race » blanche (masculine) et de masculinité (blanche). En

problématisant ainsi la préférence pour l’identique comme instrument

de normalisation et de clonage culturel, je souhaite que l’attention se

focalise moins sur l’approche exclusivement différentialiste (où la

différence et l’intégration de la diversité jouent un rôle essentiel) que

sur celle qui s’intéresse au problème plus complexe et moins bien défini

de la préférence pour l’identique et de la construction de l’homogénéité

comme instrument de renforcement d’espaces de privilège. Les deux

exemples qui suivent illustrent mon propos de manière peut-être plus

concrète.


Cas n° 1 : les clones culturels sont des répliques d’une image

normative

Je me rends à un rendez-vous prévu à 9 heures du matin dans le

sud-est d’Amsterdam, dans un endroit où les entreprises de haute-

technologie (trans)nationales sont nombreuses et forment une enclave

privilégiée au sein de la zone multi-ethnique la plus vaste de tous les

Pays-Bas, et où la population, essentiellement constituée de minorités

ethniques souffre de forts taux de chômage. Le long des artères déga-

gées qui mènent à des immeubles de style élégants, chacun se presse

dans la même direction. Tout à coup, je prends conscience que je suis

seule à porter une jupe. Vision de dizaines de costumes, tous ou presque

bleu foncé ou gris, de mallettes noires et de bagages de cuir marron

portés par des corps peu sportifs, cravates, tirant le plus souvent sur le

rouge, sur des poitrines d’homme, sous des visages blancs. Stupé-

faction. Je travaille sur le clonage culturel dans l’entreprise, et voilà que

sous mes yeux, le concept prend vie : tous ces hommes, tous blancs,

tous vêtus à l’image du « dirigeant », comme autant de clones du

prototype normatif.

Une étude plus poussée aurait pu révéler de subtiles différences,

dans le choix des chaussettes et des chemises, dans celui de la taille et

des motifs des cravates, ou encore de la marque et du style des cos-

tumes, autant de signes indiquant la place occupée dans la hiérarchie.

Mais au-delà des coupes et des tailles, le complet veston fait le lien

entre des masculinités spécifiques et des postes de direction (Collison et

Hearn 1996). L’image de masculinités homogènes, renvoyant donc à de

l’identique en termes de genre, est également définie et renforcée tout à

la fois par la race et l’ethnicité, comme le montre le témoignage suivant.


Cas n°2 : le clonage opère par préférence pour l’identique

Même lieu géographique. Un groupe de conseil international, bien

connu dans le domaine de la direction des ressources humaines, veut

acheter les droits commerciaux d’un concept porteur de formation à la

gestion de la diversité, qu’une petite agence de conseil hollandaise,

spécialisée dans la gestion de la diversité, a mis au point. La directrice,

qui est blanche, me raconte l’histoire. Le processus de négociation se

déroule sans heurts jusque la phase finale. Une partie du marché

concerne en particulier le transfert, de la petite entreprise au groupe de

conseil, d’un consultant en gestion de la diversité particulièrement

important. Ce consultant, dont la langue maternelle est l’anglais, mais

qui parle le hollandais presque couramment, a obtenu d’excellents

résultats aux tests d’évaluation organisés par le groupe international.

Une semaine plus tard, le contrat de transfert des droits de propriété

intellectuelle et du consultant en question doit être signé. C’est alors

que la direction masculine du groupe international fait marche arrière.

Le vendeur veut savoir ce qui s’est passé ; l’acheteur reste vague ; le

vendeur insiste, jusqu’à ce que l’acheteur finisse par céder : ils ne

veulent pas recruter le consultant auquel ils ont fait subir les tests.

Pourquoi ? Ses résultats n’étaient-ils pas excellents ? Si, mais c’est

seulement lorsqu’il est venu pour l’évaluation qu’ils se sont rendu

compte qu’il était noir. Il aurait été le premier consultant noir, et ils

pensaient qu’une personne de couleur n’avait pas sa place dans leur

organisation. De plus, les clients préfèreraient un consultant blanc parce

que tous les autres consultants étaient également blancs.

Ces scènes révèlent comment fonctionne le clonage culturel :

comment des imaginaires culturels et des pratiques de préférence pour

l’identique renforcent et reflètent des catégories inégales en terme de

genre, de « race », d’ethnicité et de statut social. Le deuxième exemple,

qui montre le fonctionnement du racisme au quotidien comme

instrument de clonage d’environnements culturels blancs, n’est qu’un

exemple des pratiques de préférence et d’exclusion marquées qui vient

compléter le premier tableau (tous les cadres sont des hommes de

« race » blanche) (Tilly 1998).

Les travaux sur les mécanismes d’exclusion ne manquent pas, mais

la réflexion sur les formes structurelles d’exclusion liées à la « race »,

l’ethnicité, le genre, la classe, la nationalité, etc. commence à peine et

l’image normative au regard de laquelle « les Autres » apparaissent

différents ou déviants reste à analyser. Grâce au concept de clonage

culturel, j’espère que les études à venir se focaliseront moins sur

l’exclusion (de ceux à qui on a attribué un statut inférieur) fondée sur la

différence perçue (par exemple, la « race », l’ethnicité, le genre, la

nationalité), et s’intéresseront plus à la préférence pour l’identique,

surtout lorsqu’elle vise à reproduire l’homogénéité (imaginaire) des

positions de statut élevé. La préférence pour l’identique renvoie pour

moi à l’homogénéité construite ou prétendue qui sélectionne des

individus aux formes de pensée identiques, à l’apparence identique, qui

font comme partie d’une même famille et sont autant de clones des

« types » valorisés. J’espère ne pas rebuter le lecteur avec cette notion

de clone, que je n’utilise bien évidemment pas dans un sens positif. Et

je vais montrer dans la suite de cet essai que le « clonage » au sens

culturel est une pratique bien établie d’accès au privilège.

J’ai quelque raison de croire que la préférence pour l’identique, qui

construit des homogénéités, se retrouve chaque fois dans les explica-

tions plus anciennes des processus générateurs d’inégalité de « race »,

d’ethnicité, de genre, etc. La manière dont certains se sont approprié

l’intelligence dite supérieure, l’amenant à signifier (tout à la fois)

« race » blanche, masculinité, et privilège socio-économique me semble

en être un excellent exemple. On remarquera que l’intelligence telle

qu’elle a été définie néglige l’intelligence des émotions pour ne retenir

que l’intelligence cognitive (Goleman 1995) ; et qu’au cours de l’his-

toire moderne, le besoin de légitimer ces frontières artificielles de

l’intelligence en postulant le biologique comme vecteur de transmission

de l’intelligence a été un enjeu important. Troy Duster souligne à juste

titre l’origine sociale privilégiée des scientifiques qui défendent le

phénomène appelé « intelligence humaine » :

…« ces scientifiques [Philomena Essed : ayant une image d’eux-

mêmes comme supérieurement intelligents] dont les recherches visaient

à montrer que les QI élevés se transmettaient génétiquement et se

retrouvaient dans les milieux aisés, étaient eux-mêmes dans la plupart

des cas issus des couches supérieures de la classe moyenne ; en

revanche, les scientifiques qui défendaient la position contraire, celle en

faveur de l’importance de l’environnement, venaient plus souvent de

milieux plus modestes » (Duster 1990, pp. 19-20).

Clonage culturel et culture du clone : la culture du clonage

La préférence pour l’identique et pour le ressemblant peut être

considérée comme un instrument de clonage culturel à l’œuvre dans le

temps et dans l’espace (Essed 2002). Le concept de clonage culturel a

deux aspects. Le premier concerne les relations sociales et les pratiques

culturelles ; le second, le clonage, au sens de clonage biologique. Avant

d’approfondir le concept de clonage culturel, intéressons-nous d’abord

au contexte historique et culturel du clonage biologique.

La « race » comme principe ordonnateur est constitutive de la

modernité, de sa nature même comme de sa construction (Goldberg

2001). Le terme de « clonage » évoque les images sordides des

expérimentations nazies sur les Juifs. Les populations noires ont

également été soumises à des expériences médicales au nom de la

science médicale occidentale, mais dans des conditions différentes. Les

injustices du passé ne peuvent se comprendre que dans le cadre plus

global des systèmes d’inégalités passés et présents (O’Brien et Howard

1998). L’anti-sémitisme est encore fréquent dans de nombreux pays

d’Europe (Wodak 2001) et le racisme anti-noir continue de faire

problème (Solomos et Back 1996) de l’Europe à l’Amérique latine

(Wade 2001). Formes anciennes et formes nouvelles de racisme se

refondent (Cohen 1999), et le sentiment anti-islamique, qui décrit les

Musulmans comme des barbares, s’intensifie et s’exprime plus

ouvertement (Freedman 2001).

Tout cela s’applique également au genre. La masculinité moderne

requiert la construction d’identités dominantes rationnelles, qui refou-

lent leurs émotions, et la reproduction de ces images de masculinité de

génération en génération (Seidler 1997). Trente années de féminisme

n’ont pas effacé les privilèges des hommes (spécifiques à chaque

culture) et le dénigrement des femmes, dans les sociétés à travers le

monde (Twine et Blee 2001). De plus, en dépit de l’amélioration des

structures pour les personnes handicapées, la vie de ces dernières est

généralement perçue comme moins riche (Linton 1998). Qui s’éton-

nera, avec de tels principes ordonnateurs, que le clonage biologique des

êtres humains se fasse à partir de types de prédilection (masculin, blanc,

physiquement apte, hétérosexuel, très intelligent) ou dans la même

logique, qu’on cherche aussi à produire un type de clone féminin

soumis et des clones de couleur de moindre intelligence et de moindre

assurance, bref, parfaitement serviles.

Ce prototype préféré et, de fait, normatif, se déduit également des

politiques européennes en vigueur. Les discours abondent en distinc-

tions entre les « aptes et compétents » et ceux qui ont besoin « d’aide »

ou de « structures appropriées ». La première catégorie, la norme, n’est

que rarement identifiée comme telle. Ce qui n’est pas le cas de la

seconde catégorie. On estime généralement que les femmes, les mino-

rités ethniques, les réfugiés, les jeunes, les personnes âgées, handica-

pées, ou sans instruction ni compétences spécifiques, c’est-à-dire la

plus grande partie de la population, présentent des problèmes que devra

résoudre l’organisme qui les recrutera (Essed et de Graaff 2002). Le

profil du candidat à l’embauche idéal est différent : homme, blanc,

physiquement apte, très diplômé, pas encore au sommet de la hiérar-

chie, mais pas trop jeune, et pour les postes de pouvoir les plus élevés,

surtout pour les postes à haute responsabilité, les plus importants dans

l’entreprise, retraité. Plus le statut de l’emploi est élevé, plus la position

est recherchée, et plus ces critères de choix s’appliqueront de manière

rigide. Les comités de direction européens sont presque exclusivement

masculins et blancs.

Si le clonage biologique, qui rencontre beaucoup d’hostilité, n’est

encore qu’au stade de l’expérimentation, le clonage culturel est lui

pratique courante. Et pourtant, il ne se suscite pas la même indignation

que le clonage biologique, alors la préférence pour le même perpétue

les avantages économiques et statutaires de l’individu (européen)

masculin et blanc dans presque tous les domaines du public et du privé,

notamment aux échelons les plus élevés, en politique comme au travail,

dans les média comme dans les sciences. Ce qui m’intéresse, ce n’est

donc pas le cas extrême du clonage biologique, mais comment, au

quotidien, les imaginaires culturels représentent le genre et la « race »,

entre autres « évidences », et comment les pratiques courantes

définissent en conséquence les positions de statut élevé en privilégiant

des combinaisons de caractéristiques qui signifient : masculinités,

élitisme socio-économique, « race blanche » et appartenance nationale.

Opter pour l’identique ne résulte pas que d’un choix rationnel.

Certaines caractéristiques de groupes et certaines valeurs ont été inté-

grées par le processus de modernisation comme « plus essentielles » et

supérieures. La préférence pour le ressemblant, surtout lorsqu’elle vise

à protéger un certain statut social, contribue par là-même à perpétuer

des systèmes d’inégalité sociale. Parmi les marqueurs de clonage

culturel, on trouve, ancrées dans le passé, des constructions de modèles

de comportement idéal, de perfection esthétique, de compétence pour

des emplois ségrégés (de statut élevé et inférieur), ainsi que la

discipline des corps et des caractères que ces images normatives

impliquent (Essed et Goldberg 2002a). La quête de la perfection pour

correspondre à une image normée soulève des questions d’esthétique en

rapport avec la « race » et le genre très complexes. Ainsi, la chirurgie

plastique du nez, que ce soit parmi les Juifs de la Diaspora (Gilman

1999), les adolescentes syriennes en Suède (Ellburg 2000), ou les

artistes afro-américains Michael et Janet Jackson (Davis 2001), a

toujours la même fonction : normaliser et discipliner le corps pour qu’il

soit en adéquation avec les représentations occidentales (blanches) des

formes idéales. Il en va de même pour les femmes au Japon et en Chine

et pour les adolescentes coréennes et vietnamiennes aux Etats-Unis qui

se font débrider les yeux, et pour les femmes (blanches) qui souffrent

d’anorexie (Gilman 1999).

Le clonage des privilèges avec sa mécanique d’inclusion sélective

fait partie du phénomène plus vaste de la culture du clone. Le clonage

comme modalité de la culture est un élément essentiel de la modernité,

qui est particulièrement obsédée par le désir de contrôler la nature de

manière absolue (et de la détruire), le désir de contrôler la créativité et

même la vie, au moyen de technologies de plus en plus sophistiquées et

de réseaux de mondialisation. Le clonage comme modalité de la culture

renvoie à la reproduction de modèles choisis de (semi)perfection :

pensez aux semences, aux Nike, aux hamburgers de chez McDonald,

aux modèles de citoyenneté et de démocratie. Ces modèles sont

reproduits à volonté et commercialisés à des fins de profit mercantiles,

sociaux et politiques.

Paradigmes du progrès, les modèles occidentaux de développement

humain reproduits et disséminés partout dans le monde comme autant

de marqueurs de « civilisation », renvoient à un phénomène plus large

que nous avons appelé la culture du clone (Essed et Goldberg 2002a).

Par la (ou les) « culture(s) du clone », nous entendons les processus

sociaux qui permettent la reproduction de l’identique, sa répétition, sa

perpétuation et sa propagation. Dans ces processus sociaux se

retrouvent les normes et les valeurs intégrées, ainsi que l’organisation

de la société et les structures qui permettent à cette reproduction de

s’effectuer. Les modes de reproduction sont évidents dans la

production, la consommation, les pratiques de représentation et les

images, y compris esthétiques (Essed et Goldberg 2003).

Le clonage comme modalité de la culture est manifeste dans

l’organisation de la société moderne, qui agence les relations humaines

et matérielles uniformément dans le cas des instituts (écoles, univer-

sités, hôpitaux) et des sections (disciplines, administration, services), et

en paires le plus souvent inégales pour les catégories humaines :

inégalités de fonction (employeurs/employés, enseignants/étudiants,

parents/enfants) et inégalités bio-sociales en termes de genre, « race »,

ethnicité, âge, compétences (hommes/femmes, noirs/blancs, etc.). Ces

concepts reposent sur des processus d’émulation (les écoles se ressem-

blent toutes), et des catégories d’identification réelles ou imaginaires

(nation, hommes, femmes, professeurs, chirurgiens, et infirmières). La

culture du clone s’enracine dans le réductionnisme de la science

moderne, que celle-ci ne cesse d’informer. Et le rejet, la pathologi-

sation, et l’exploitation des Autres en termes de « race », de culture, de

physique et de sexe ont été au cœur même de ce processus.


Conclusions

Dans la première partie de cet essai, j’ai mis en évidence le fait que

le déni du racisme s’est révélé un moyen de plus en plus efficace pour

intimider la critique et à la faire taire par crainte de représailles.

Etouffer la lutte quotidienne contre le racisme est tout aussi déshuma-

nisant que le racisme lui-même, et le déni du racisme est également une

forme de racisme. A la lumière de ces constatations, il importe de

dénoncer sans relâche les nombreuses formes de racisme cachées dans

la vie courante et de publier sur ce sujet. Rejeter le racisme verbalement

est une chose ; agir en conséquence en est une autre, qui demande du

courage. Il est nécessaire de mettre plus en évidence le fait que beau-

coup de gens ordinaires se comportent de manière extraordinaire en

refusant d’accepter les discriminations, les commentaires racistes et les

autres comportements qui portent atteinte à la dignité humaine. Il y a

des femmes, pleinement conscientes de l’existence de multiples discri-

minations, qui franchissent les frontières ethniques et raciales et sont à

l’origine de remarquables initiatives en faveur de la paix et de la justice

sociale (Cockburn 1998 ; Gobodo-Madikizela 2003).

J’ai souligné ensuite que le fait de se focaliser sur la « race », les

aspects « raciaux » et le « racisme » est générateur de tensions dans la

mesure où les approches uni-dimensionnelles ne peuvent rendre compte

de manière satisfaisante des complexités de l’injustice liée à la « race ».

J’ai affirmé que le racisme comporte également des aspects liés au

genre. Mais à elle seule la combinaison genre/race ne permet pas de

comprendre toute la complexité du phénomène du racisme. Avec la

notion de clonage culturel, que j’ai enracinée dans une culture du

clonage produite par la modernité, j’ai voulu insister sur le fait que les

divers éléments de domination sont liés les uns aux autres, se

renforcent, font partie constitutive les uns des autres et s’unissent pour

former les principes plus généraux de la modernisation. J’ai distingué le

clonage culturel (la préférence pour plus de même dans le but de

s’assurer des espaces de privilèges) de la culture du clone, culture régie

par la volonté de contrôler toutes les formes de création (le vivant, la

nature, les corps, la vie elle-même) et qui vise à fabriquer des proto-

types commercialisables à des fins de profits. L’inégalité durable

s’enracine profondément dans la nature même de la culture du clone :

valeurs qui sous-tendent la science moderne (le réductionnisme), orga-

nisation de nos sociétés (qui dissèquent, divisent et répartissent en

diverses catégories), transformation du temps en valeur marchande,

commercialisation et privatisation de la production du savoir (standar-

disation et approche coûts-bénéfices) et pratiques déshumanisantes qui

découlent de tout cela (érosion de la qualité, de l’authenticité et de la

créativité à l’université).

Grâce au concept de clonage culturel et au contexte plus vaste de

culture du clone, j’ai problématisé la relation entre les systèmes de

valeurs dominants et les distorsions qui en découlent dans l’attribution

des positions de statut social. Cette approche critique n’est pas

nouvelle. Mais là où cet essai innove, c’est lorsqu’il insiste sur le fait

qu’on ne peut lutter contre le racisme sans mettre en question et ré-

évaluer l’ensemble plus vaste des normes, valeurs et pratiques prônées

par la culture du clonage et transformer ainsi (certaines de) ses caracté-

ristiques fondamentales.


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